⚔ Haut les murs !
Face au dérèglement climatique, il y a les beaux discours de la COP26 sur l’entraide Nord / Sud et il y a la réalité froide des faits et des chiffres.
Cette semaine, Libération relaie les travaux édifiants du Transnational Institute. Sept des pays les plus riches et historiquement les plus émetteurs (Etats-Unis, Allemagne, Japon, Royaume-Uni, Canada, France et Australie) ont dépensé entre 2013 et 2018 deux fois plus pour militariser leurs frontières que pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le rapport utilise une expression forte : les “murs contre le climat”. En 1989, à la chute du mur de Berlin, il restait 6 murs physiques aux frontières, il y en aurait au moins 63 aujourd’hui.
Transnational Institute précise :
“Si des investissements suffisants ne sont pas faits pour aider les pays [en développement], la crise entraînera davantage de catastrophes humaines et déracinera plus de populations. Les dépenses des gouvernements sont un choix politique.”
Le choix des passions tristes.
Nous pourrions au contraire voir le réchauffement climatique comme un formidable défi pour la vie. Ce sujet, par définition mondial, pourrait nous unir en nous faisant réaliser que les destins de toute l’humanité sont reliés et interdépendants. Un tout autre récit positif, créatif et mobilisateur à écrire.
Nous sommes en train d’assister au Grand Renfermement face aux flux migratoires climatiques à venir.
Pour être plus précis, un Grand Renfermement à géométrie variable… Les frontières restent évidemment grandes ouvertes vis à vis du Sud quand il s’agit d’importer des énergies fossiles ou d’exporter des Rafales.
🥇 Climat ET emploi
“Non, mais je suis d’accord avec toi, il faut faire attention au climat. Mais si on produit moins, tu te rends compte des impacts sur l’emploi ?”
Qui ne s’est jamais vu opposer cet argument lors d’une discussion climat / énergie / croissance économique…
Le Shift Project, le think tank qui réfléchit depuis des années à la transformation de l’économie française a fait les comptes.
D’après ses travaux, mettre l’économie française sur une trajectoire bas carbone permettrait de créer plus de 300 000 emplois à horizon 2050 ! Des travaux conduits avec une ambition :
“Il s’agit d’en faire l’un des moteurs d’une décarbonation organisée et réussie, plutôt qu’une variable d’ajustement soumise à la fréquente brutalité des choix faits dans l’urgence”.
N’y voyez pas un coup de baguette magique de la “croissance verte”. L’approche est avant tout physique : moins d’énergie, c’est moins de machines au travail, moins de production à l’autre bout du monde et donc plus d’emplois sur notre territoire.
Derrière ce chiffre “net” se cachent évidemment des créations et des destructions d’emplois selon les secteurs d’activités. Le Shift Project a donc aussi réfléchi aux leviers pour accompagner cette transition (formation, pilotage intersectoriel…).
Une transition qui doit être “anticipée, discutée et planifiée à l’échelle de la société.”
En voilà un vrai beau sujet de débat pour des candidats à une élection présidentielle…
🎉 Le vrac des Good News
Le nouveau gouvernement Allemand place le climat et la transition écologique au cœur de leur projet. Il faudra évidemment juger les actes, mais certaines premières décisions paraissent intéressantes. Par exemple, il y aura un ministre de “l’économie et de la protection du climat”. Sortir de la logique des silos ministériels et lier ces deux sujets parait tout à fait pertinent.
Après 39 jours de grève de la faim, Guillermo Fernandez a obtenu gain de cause. Les parlementaires suisses seront obligatoirement formés aux enjeux climatiques. Il aura fallu 39 jours dans le froid et 15kg de perdus pour que cette mesure pourtant évidente soit acceptée par la Suisse.
🐔 Le chiffre : c’est beaucoup
Il y avait la ferme des 1 000 vaches, voici l’élevage des 120 000 poulets. C’est même difficile à imaginer 120 000 poulets.
Ce projet se trouve en France, dans le Nord. Il vient d’être autorisé par la préfecture, une étape indispensable désormais franchie.
S’il est impossible d’imaginer ce que représentent 120 000 poulets, un autre chiffre de ce projet industriel est bien plus parlant : il y aura 21 poulets par m² de hangar. Regardez autour de vous, imaginez un carré de 1m sur 1m et 21 poulets dedans. Voilà.
NB1 : le projet est conforme aux normes environnementales en vigueur.
NB2 : je suis tombé sur cette info à la sortie du film Animal de Cyril Dion. Double claque. (cf dernier article)
👍🏼 Les faiseurs : au sommet
Grâce à l’excellente émission de FranceInter “La Terre au Carré”, je viens de découvrir la “combattante de la biodiversité”, Anne Larigauderie.
Elle n’est pas la plus médiatique des défenseurs du vivant, et pourtant…
Anne Larigauderie est la secrétaire exécutive de l'IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité. Nous avons une écologue française à un poste clé de cette organisation onusienne à rayonnement mondial.
L’IPBES est l’équivalent du GIEC pour les questions de biodiversité. Comme pour le GIEC, sa mission est d’évaluer et de synthétiser les travaux de recherche du monde entier pour éclairer les décideurs sur l’état des connaissances.
L’émission de FranceInter a un double intérêt : nous faire connaître le travail d’Anne Larigauderie et nous apprendre énormément sur l’IPBES et la biodiversité.
Une émission d’utilité publique.
🦊 Greenwashing : “naturel”
Le magazine Elle a décidé de bannir la fourrure animale des pages de toutes ses publications mondiales (articles et publicités).
Le magazine prend ses responsabilités et s’engage pour “promouvoir une industrie de la mode plus humaine.”
C’était sans compter sur le lobby de la fourrure qui attaque le magazine en justice pour “refus de vente, pratique anticoncurrentielle, déloyale, discriminatoire et arbitraire.”
L’occasion de découvrir qu’il existe un “porte-parole de la fourrure française” dont le métier est de défendre l’élevage intensif et l’abattage d’animaux pour en faire des manteaux. Un sacré bullshit job.
7 minutes de greenwashing de haut vol… Extraits :
“Dans le monde de la mode, nous sommes à la pointe de la certification en matière de bien-être animal. […] Qui peut croire en 2021 que la mode éthique est une mode en plastique ? La fourrure naturelle a une espérance de vie de quarante ans !”
La prestation ne serait pas complète sans le recours aux deux arguments mécaniquement utilisés contre chaque mesure qui tente de protéger le vivant : restriction de liberté et chantage à l’emploi.
Selon le lobbyiste, la décision du magazine est une “négation de la liberté du consommateur” et met en péril les emplois des petits artisans du secteur.
A l’écouter, la fourrure animale serait donc la solution la plus éthique et favorable au bien-être animal. Chapeau l’artiste.
👊🏼 La ressource : une claque de plus
On ne ressort pas indemne du dernier film de Cyril Dion.
Animal interroge notre rapport au vivant dans une démarche profonde et moins solutionniste que son précédent film Demain. Il nous confronte aux réalités à travers le regard de deux adolescents, Bella et Vipulan.
Les réflexions et les questions “sans filtre” des adolescents nous renvoient à nos compromissions d’adultes. De fait, nous avons intégré la cruauté du monde. On se raconte des histoires pour accepter l’inacceptable.
Eux ne s’y sont pas résolus et ça met une immense claque.
Un film qui fait mal et qui fait du bien.
🙄 Le dessin de presse : Animal
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