📈 Tout pile
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) vient de relever les compteurs pour l’année 2021, et c’est terrible.
Terrible car malgré les efforts entrepris en matière de transition, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter dans des proportions inquiétantes.
Avec la reprise post Covid, le monde a émis 6% de gaz à effet de serre en plus en 2021 qu’en 2020. Cette année 2021 devient l'année du record absolu.
La fameuse COP21 et le triomphal Accord de Paris datent de 2015. En 6 ans, nous n’avons pas réussi à baisser nos émissions. Pire, elles continuent donc d’augmenter.
Le monde d’après a un sérieux goût de monde d’avant.
On libère désormais chaque année deux fois plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère qu’il y a 35 ans.
Ce +6% d’émissions est à comparer avec un autre chiffre, celui de la croissance du PIB mondial : il a lui aussi progressé de 5,9% en 2021. Quelle coïncidence !
Le découplage, c’est pas gagné.
Qu’appelle t-on découplage ? C’est une sorte de rêve que font les adeptes de la croissance verte. Ils estiment qu’on peut obtenir en même temps une augmentation du PIB (= la croissance économique) et une baisse des pressions environnementales (par exemple les émissions de gaz à effet de serre).
Le problème, c’est que les données historiques, la littérature scientifique, et les chiffres de 2021 montrent inlassablement le contraire.
Le découplage absolu à échelle planétaire n’existe pas.
❔Etonnant
La guerre et son impact sur le prix (peut-être demain sur la disponibilité) du gaz et du pétrole secoue le monde économique et politique.
On fait mine de découvrir notre dépendance aux énergies fossiles et par ricochet, notre dépendance aux pays qui les produisent.
J’ai observé ces derniers jours quelque chose d’assez étonnant :
Transport & chauffage : tout le monde se rend compte de notre dépendance aux énergies fossiles et appelle à de la sobriété ou au développement d’énergies alternatives. Great
Agriculture : tout le monde se rend compte de notre dépendance aux énergies fossiles et appelle pourtant à davantage d’intrants d’origine fossile. Pas Great.
Les engrais azotés et les pesticides sont pourtant issus de l’industrie pétro gazière. Les agriculteurs voient leurs coûts de production exploser.
Novethic nous aide à y voir plus clair. L’Union Européenne a mis sur pied il y a deux ans un programme ambitieux appelé “Farm to Fork”, du champ à l’assiette. Il a pour objectif d’ici à 2030 de réduire de moitié les pesticides, de 20% les engrais et de viser 25% de terres pour le bio. La biodiversité appréciera.
La FNSEA, le principal syndicat agricole, est évidemment opposé à ce programme Farm To Fork accusé de véhiculer une “logique de décroissance”.
L’opportunité était trop belle : la FNSEA profite du contexte en Ukraine et des perturbations des marchés alimentaires pour brandir l’argument de la souveraineté alimentaire de l’Europe et réclamer la suppression de Farm to Fork.
Cynique mais efficace car la position essaime. Julien Denormandie, le ministre de l’agriculture a déclaré que la Commission allait réévaluer le programme pour “pour voir si nous devons l’ajuster à la lumière de la vision politique d’une souveraineté agroalimentaire européenne.”
Je dis ça, je dis rien, mais peut-être que la vraie “souveraineté alimentaire” serait d’arriver à manger sans le recours massif aux énergies fossiles qui sont de toute façon amenées à diminuer de gré (en luttant pour le climat) ou de force (par leur raréfaction).
Quand on sait que 70 à 75% des terres agricoles mondiales sont consacrées au bétail (pâturage + alimentation), on voit aisément ce qui pourrait nous y aider...
🎉 Le vrac des Good News
175 pays s’accordent dans le cadre de l’ONU sur le principe d’un traité international historique, juridiquement contraignant, pour lutter contre la pollution plastique. Comme souvent, le diable se cachera dans les détails et nous serons attentifs aux modalités concrètes qui restent à discuter.
Celle-ci, on ne l’avait pas vu venir. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie a déclaré le mois dernier :
“Je suis prêt à ce que nous fléchions l’intégralité des recettes fiscales sur les énergies fossiles vers le développement des énergies vertes".
On parle de 30 à 35 milliards de recettes fiscales par an. Chiche ?
💰 Le chiffre : généreux
C’est en euros la somme colossale qu’un milliardaire a mis sur la table pour racheter AGL, la première compagnie de production d’énergie australienne.
Un sacré montant pour acquérir des centrales à charbon avec comme unique projet… de les fermer !
Mike Cannon-Brookes entend pallier le “manque de courage” du gouvernement australien et utiliser une arme du capitalisme (la propriété privée) pour s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre.
La compagnie AGL est le plus gros émetteur du pays. Elle représente 8% des émissions.
Le média Usbek & Rica précise les contours de l’opération.
Le projet est très sérieux car l’offre a été officiellement réalisée mais refusée par le conseil d’administration. Le montant proposé était pourtant supérieur de 48% au cours de l’action.
Mike Cannon-Brookes entend revenir à la charge. Affaire à suivre.
🚸 Les faiseurs : transmission
Infatigable défenseur du climat, on ne présente plus Jean Jouzel. Climatologue et glaciologue, ancien vice Président du GIEC, Jean Jouzel est une voix précieuse.
Hélas, son rapport rendu le 28 février dernier au ministère de l’enseignement supérieur n’a pas obtenu l’attention médiatique qu’il méritait.
Que propose Jean Jouzel ?
“L’objectif est de former [à la transition écologique] 100 % des étudiants de niveau Bac+2, quel que soit leur cursus, d’ici 5 ans”.
Une belle ambition pour venir compléter les actions déjà en déploiement dans le primaire et le secondaire.
Cette mesure serait salutaire pour le climat mais aussi pour l’avenir professionnel de ces générations. Quelles que soient leurs professions, elles seront à coup sûr impactées dans leur travail par les enjeux climatiques.
Espérons voir cette mesure reprise par les candidats à l’élection présidentielle.
🛢️ Greenwashing : la paille et la poutre
Un grand affichage vert, pile à côté de la pompe à essence.
Le détecteur à enfumage publicitaire se met en route. Laissons tout de même une petite chance à Esso. Aurions-nous inventé dans le plus grand secret un pétrole à externalités positives pour la planète ?
Raté. Esso nous invite à ne pas imprimer le ticket de caisse pour “économiser 3 cl d’eau”. Une manière selon la publicité de “s’engage pour l’avenir”.
Il fallait le dire plus tôt ! C’est pas si dur la transition écologique en fait. Il suffit de ne pas imprimer le ticket lorsqu’on fait le plein.
Merci Esso pour le tuyau.
🚣🏼♂️ La ressource : ça rame
Les lecteurs de Jean-Marc Jancovici vont se régaler avec cette petite vidéo de 7 minutes repérée par l’Igloo. Elle donne vie à son expression des “esclaves énergétiques”.
On y voit des rameurs s’employer à chaque besoin énergétique de la maison. Une manière très concrète de matérialiser le confort devenu invisible procuré par l’énergie.
C’est bien parce que cette drogue est si douce qu’il est désormais si difficile de s’en passer.
Et encore ! Il n’est ici question que du petit bout de la lorgnette énergétique : la consommation instantanée. L’énergie nécessaire pour fabriquer les objets utilisés (extraction de matière, production…) et les transporter n’est pas prise en compte.
C’est vraiment très parlant. Un must see.
✏️ Le dessin de presse
Si vous êtes arrivé ici par hasard, inscrivez-vous pour recevoir Pas de Côté dimanche prochain.
Merci pour cette édition passionnante !