🥳 Game-changer ?
Quelle est la différence entre la Banque Centrale Européenne et les experts du GIEC ?
Réponse : 31 ans :)
Cette boutade de Vincent Auriac souligne le temps écoulé entre le premier rapport du GIEC et l’annonce ce jeudi de la Banque Centrale Européenne (BCE).
Pour la première fois, la BCE entend intégrer la question climatique au cœur de sa politique monétaire. C’est un évènement potentiellement majeur compte tenu du poids de l’institution dans l’économie européenne.
Parmi les différents outils et mécanismes promis par Christine Lagarde, il y en a un qui semble pouvoir changer la donne : la BCE entend intégrer des critères climatiques dans ses opérations de financement.
La BCE envisage par exemple de conditionner ses achats d’obligations aux entreprises qui respectent la trajectoire des Accords de Paris.
Or, Novethic nous rappelle que la dette des entreprises françaises s’élèvent à 200% du PIB (bien plus que la dette publique, soit dit en passant…). Elles ont donc un besoin vital de sans cesse se refinancer.
Une entreprise qui se contrefiche des enjeux climatiques arrivera t-elle demain à trouver des financements ? C’est tout l’enjeu de cette annonce.
Souhaitons que cette prise de position forte de la BCE oblige les entreprises à s’engager véritablement sur le chemin de la transition.
🚘 Inimaginable !
Vous avez aimé le Dieselgate ? Ces constructeurs automobiles qui ont volontairement truqué leurs moteurs pour contourner les normes antipollution lors des tests d’homologation.
Vous allez adorer le nouveau scandale que vient de sanctionner l’Union Européenne cette semaine. Je n’arrive même pas à y croire tellement c’est énorme.
Ce jeudi, nous apprenons que BMW et Volkswagen (déjà au cœur du Dieselgate) viennent de se voir infliger une amende de 875 millions d’euros.
Qu’est-ce qu’on leur reproche ?
De s’être entendus pour nous empoisonner volontairement… Disons-le avec d’autres termes plus consensuels : pour avoir eu entre leurs mains une technologie permettant d’éliminer les émissions toxiques des échappements… et de s’être mis d’accord pour ne pas pleinement la déployer.
Vous avez bien lu. Voilà ce que dit la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager :
“Ces groupes possédaient la technologie nécessaire pour réduire les émissions nocives au-delà de ce qui était légalement exigé par les normes d’émissions de l’UE. Mais ils ont évité de se faire concurrence en n’utilisant pas tout le potentiel de cette technologie pour aller plus loin que le niveau d’épuration légalement prescrit.”
Et le scandale a duré :
“Pendant plus de cinq ans, les constructeurs automobiles se sont concertés, afin de ne pas dépolluer plus que la réglementation l’exigeait”.
En plus de BMW et Volkswagen, un troisième constructeur a été condamné. Il s’agit de Daimler (Mercedes). En revanche, ce dernier n’a pas reçu d’amende, car il a dénoncé ses petits camarades… Classe.
Deux chiffres pour terminer :
La pollution de l’air provoquerait 100 000 décès par an en France
L’amende représente environ 0,05% du chiffre d’affaires de Volkswagen sur la période de l’entente illégale
Question au premier degré : mais pourquoi ont-ils encore le droit d’exercer leur activité ?
🍷 L’art de s’adapter
Pomerol, Pétrus, Margaux, Yquem… l’évocation de ces prestigieux châteaux fait forcément saliver les amateurs de grands vins.
La question que se posent aujourd’hui ces domaines est assez simple : produirons-nous toujours le vin de Bordeaux à Bordeaux dans 30 ans ?
Et si Nantes devenait la nouvelle capitale du vin dans 30 ans ? Vous l’aurez lu ici en premier :)
Plus sérieusement, le célèbre château Cheval Blanc s’active pour s’adapter au réchauffement climatique en cours. Pierre-Olivier Clouet, le directeur technique du domaine est très clair :
“On a des sols qui font des vins brillantissimes, feront-ils des vins aussi brillantissimes avec deux ou trois degrés de plus, j'ai des doutes”.
Le château Cheval Blanc s’engage massivement dans l’agroforesterie. Rien que pendant le dernier confinement, ce sont 3 000 végétaux et 1 500 arbres qui ont été plantés.
“L'objectif principal c'est de ramener de la fraîcheur sur les parcelles”.
Les arbres plantés apporteront de l’ombre et leurs réseaux de racines joueront un “rôle de pompe à eau” dans le sous-sol. Enfin, les arbres créeront un “écosystème” sous-terrain de “partage de nutriments".
Pour faire de la place aux arbres, il a fallu arracher une centaine de pieds de vigne par hectare. Quand on connaît la valeur de ces pieds âgés d’une quarantaine d’années, on se dit que la menace du réchauffement climatique est prise très très au sérieux.
🎉 Le vrac des Good News
La Chine vient d’inscrire 25% de son territoire en “zone de conservation écologique”. Les activités humaines y seront limitées.
Le gouvernement a reconnu “des décennies de développement irrationnel” et souhaite préserver “les intérêts vitaux” de la population.Fin août, la vitesse maximum sera limitée à 30km/h (quasi partout) dans Paris. La mesure fera baisser les nuisances sonores, apportera de la sécurité aux mobilités douces (vélos, piétons…).
Que les autosolistes inquiets se rassurent (80% des véhicules à Paris roulent sans passager), la vitesse moyenne dans Paris n’est aujourd’hui que de 15km/h.
📉 Des chiffres (qui baissent)
Non pas un chiffre, mais DES chiffres cette semaine dans Pas de Côté.
Nous l’avons vu avec le domaine viticole du Cheval Blanc, l’adaptation au changement climatique est un vrai défi qui demande une expertise pointue.
Or, au moment où nous allons avoir le plus besoin d’adapter notre territoire au changement climatique, les agences étatiques qui travaillent sur le sujet subissent des coupes massives d’effectifs.
Ces chiffres de l’Institute 4 Climate Adaptation (I4CE), relayés par Juliette Nouel, sont éloquents : par exemple, jusqu’à -25% d’effectifs pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).
L’I4CE classifie ces agences par le rôle qu’elles jouent dans les prévisions, la sensibilisation, l’accompagnement, ou encore la prévention.
Les agences qui apportent une expertise et de l’ingénierie sur les questions liées au climat : CEREMA, ADEME, Météo France, IGN.
Les agences qui opèrent sur le terrain pour préserver et adapter l’environnement : Agence de l’eau, ONF, Parcs Nationaux…
Moi qui croyais naïvement que l’environnement et sa “croissance verte” était un formidable levier de création d’emplois…
🎁 Les faiseurs : joyeux anniversaire
100 ans ! Dans un grand entretien accordé à FranceInfo, Edgar Morin a exposé “les leçons d’un siècle de vie”.
Brillant, percutant, déstabilisant, les adjectifs manquent pour qualifier la force de son regard sur l’état du Monde.
Edgar Morin évoque les dangers qui nous guettent :
“Mais aujourd'hui, c'est la Terre qui est menacée. Ce n'est pas seulement le monde animal et végétal. C'est nous-mêmes, avec les pollutions, l'agriculture industrialisée. Nous avons mille menaces avec des conflits, les fanatismes, les refermetures sur soi”.
Il nous invite à une réaction, à un sursaut de vie :
“Surtout, il y a l'absence de conscience lucide que l'on marche vers l'abîme. Ce que je dis n'est pas fataliste. Je cite souvent la parole du poète Hölderlin qui dit que "là où croît le péril croît aussi ce qui sauve".
Ce sursaut doit s’ancrer dans l’action collective, dans la mobilisation pour quelque chose qui nous dépasse :
“Moi, je pense que nous avons besoin, toujours, de nous mobiliser pour une chose commune, pour une communauté. On ne peut pas se réaliser en étant enfermé dans son propre égoïsme, dans sa propre carrière”.
“Je dis aux gens, aux jeunes : prenez parti pour les forces positives, les forces d'union, d'association, d'amour, et luttez contre toutes les forces de destruction, de haine et de mépris”.
Des mots justes qui inspirent et font du bien.
Joyeux anniversaire Monsieur Morin.
🖤 Greenwashing : cynique
Coté pile de grandes déclarations sur l’impérieuse nécessité d’investir en responsabilité. Chaque année, dans sa traditionnelle lettre, le PDG exhorte le monde à prendre la mesure du risque climatique.
Des communications bien rodées avec jolis slogans et petits cœurs verts.
Coté face, des décisions climaticides et un lobbying acharné en faveur du statut quo. Le gestionnaire de fonds s’est par exemple opposé à 88% des résolutions sur le climat proposées par les entreprises dans lequel il est actionnaire.
L’observatoire des multinationales et Reclaim Finance viennent de publier en juin un rapport qui fait la lumière sur le noyautage des instances de décisions européennes.
Soyons clairs : BlackRock est partout : tantôt en tant que conseil pour éclairer l’Europe sur ses réformes bancaires (nous en avions déjà parlé ici), tantôt comme membre d’instances, ou encore comme acteur des groupes de travail.
Lara Cuvelier, de Reclaim Finance précise :
“Notre rapport révèle que la Commission européenne a laissé l’un des lobbys les plus puissants prendre le contrôle de ses plans sur la finance verte. BlackRock […] n’a qu’un seul but : s’assurer que les réglementations qui touchent le secteur financier en matière de climat soient les plus souples possibles.”
Le comportement de BlackRock n’a rien d’anecdotique. C’est le gestionnaire d’actifs le plus important au monde avec plus de 7 000 milliards d’encours.
Communiquer green et agir de façon diamétralement opposée : du cynisme à l’état pur.
© Ressource : challenge
On termine ce Pas de Côté avec une trouvaille de Florian Bourguignon aussi amusante que déstabilisante, et qui en dit long sur nos connexions et déconnexions.
A vous de jouer !
Alors, combien ? :)
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