Si vous voulez casser l’ambiance en soirée, invitez un avocat…
Manque de chance pour moi (et donc pour vous), j’en connais un brillant et très engagé pour le climat.
Maxime Desplats est avocat spécialisé dans les arbitrages internationaux entre entreprises ou entre investisseurs et Etats au sein du cabinet DLA Piper. Il intervient notamment dans certains contentieux liés à l’énergie.
Bref, le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE), ça lui parle.
La semaine dernière, le Président Macron a annoncé la volonté de la France de sortir du TCE. Cette annonce a été unanimement saluée par les militants et médias spécialisés. Une « immense victoire » pour certains, la « première grande bataille gagnée depuis l’Accord de Paris » pour d’autres.
Oui mais voilà, en matière de droit, c’est rarement simple et binaire.
Le regard de Maxime, en sa qualité d’avocat spécialisé, apporte de la nuance, voire contredit complètement l’enthousiasme suscité. Maxime ne s’exprime pas ici au nom de son cabinet, mais en son nom propre.
Petit extrait pour vous donner envie d’aller au bout :
“Avec une sortie sèche, le Président Macron pourrait réussir le tour de force de satisfaire « en même temps » les énergéticiens Français en maintenant la protection de leurs investissements pendant plus de vingt ans dans des pays membres du TCE (comme le Kazakhstan), et les militants pour le climat”.
A défaut de faire plaisir, c’est instructif !
En quelques mots, c’est quoi le TCE ?
C’est le Traité sur la Charte de l’Energie. C’est comme un contrat passé entre 53 Etats. Son objectif est notamment de favoriser les investissements et les échanges dans le secteur de l’énergie.
Comment les favoriser ? En enlevant les entraves à la concurrence et en accordant un certain nombre de protections aux investisseurs pour les inciter à investir à l’étranger.
Le Traité les protège en leur assurant plusieurs protections à la charge des Etats, dont un traitement juste et équitable de l’investissement par l’Etat hôte et une protection contre les expropriations illégales, c’est-à-dire sans une juste compensation et au terme d’une procédure non-discriminatoire et motivée par des intérêts publics.
Comment sont calculés les montants d’indemnisation ?
En cas d’expropriation, le Traité prévoit expressément que la compensation équivaut à la valeur marchande équitable de l’investissement au moment qui précède immédiatement l’expropriation.
Les calculs des dommages et intérêts prennent donc en considération la rentabilité raisonnablement attendue de l’investissement sur les 15 ou 20 prochaines années, comme si l’investissement avait été mis en vente avant qu’il ne subisse un traitement contraire au Traité.
Est-ce à dire que ce TCE a eu son utilité au regard des besoins énergétiques de l’époque ?
C’est une question très importante. Elle est extrêmement débattue.
Certains considèrent que les protections de ces traités n’influent qu’à la marge, voire pas du tout, sur la décision d’investir. D’autres disent que c’est utile.
C’est un débat plus économique que juridique qui n’est pas tranché.
Ce qui est sûr, c’est que la décision d’investissement dans le secteur de l’énergie intègre des dimensions économiques, politiques, et juridiques. Le fait d’être protégé par un traité n’est donc pas le facteur unique qui va flécher un investissement. En revanche, de là à dire que ça n’influe pas du tout, c’est un pas que beaucoup ne sont pas prêts à franchir.
Comment cela fonctionne concrètement ?
Si j’investis 100 millions d’euros à l’étranger dans un projet énergétique, ce type de traité rassure quant au risque de tout perdre si le lendemain l’Etat dans lequel j’ai investi décide de mettre fin à mon activité sans juste compensation.
Un investisseur peut donc considérer qu’il n’ira investir que dans un pays ayant signé un traité permettant d’aller poursuivre l’Etat pour obtenir une juste compensation s’il perd tout.
C’est ça l’idée de base.
Est-ce que le traité s’applique sans expropriation pure et dure. Par exemple, si on se contente de réduire radicalement le recours à une énergie ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce genre de traité dit « d’investissement » fait en général une dizaine de pages. Un peu moins même pour la partie « promotion et protection des investissements » du TCE. Les protections sont donc rédigées de façon « large ».
Tout est donc soumis à interprétation. Un énergéticien peut considérer que l’évolution radicale de l’environnement législatif est telle qu’elle équivaut à une expropriation indirecte car il se retrouve dans une situation « comme si » il avait été exproprié, et ainsi attaquer l’Etat.
Mais l’énergéticien peut aussi attaquer l’Etat s’il considère que la mesure mise en place est discriminatoire ou déraisonnable, en violation de l’obligation assumée par l’Etat d’accorder un traitement loyal et équitable aux investissements.
Disons-le toutefois clairement : ce n’est pas parce que les avocats des énergéticiens tentent une action qu’ils gagnent. D’ailleurs, la plupart du temps, ce sont les Etats qui gagnent lors de l’arbitrage.
Le recours à l’arbitrage suscite de la méfiance. Peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?
Dans le cadre du Traité, l’investisseur peut aujourd’hui choisir de faire appel à la justice étatique ou à l’arbitrage. A date, il préfère l’arbitrage (à tort ou à raison).
L’arbitrage, c’est une justice « sur-mesure » rendue par des personnes nommées pour trancher un litige. C’est une forme de justice qu’on appelle privée, parce qu’elle n’est pas rendue par des juges étatiques et dans laquelle tout est sur-mesure : on décide de l’endroit où va se traiter le litige, de la langue pratiquée…
Prenons un exemple concret. Si une entreprise Française décide de travailler avec une entreprise Marocaine, les deux entreprises peuvent ne pas avoir envie que le contentieux soit réglé devant les juges du pays de l’autre. Plusieurs raisons peuvent facilement l’expliquer. On n’a pas envie d’être jugé selon un autre droit, dans une autre langue… On peut également avoir peur que les juges favorisent, consciemment ou inconsciemment, leurs concitoyens.
Pour résoudre ce problème, elles peuvent donc décider en amont d’avoir recours à l’arbitrage en cas de contentieux. Elles peuvent ainsi par exemple se mettre d’accord pour organiser un éventuel arbitrage à Genève (lieu neutre), en anglais (langue neutre) et selon le droit suisse.
Cette justice privée a souvent mauvaise presse : on entend qu’elle est là pour contourner la justice étatique et se soustraire au droit. Qu’en dis-tu ?
Que cette image est complètement erronée.
C’est seulement un moyen pratique pour organiser et simplifier la résolution d’éventuels contentieux, notamment au niveau international, en impliquant des juges (arbitres) qui vont connaître et comprendre parfaitement le secteur d’activité dans lequel intervient le litige.
Par ailleurs, l’arbitrage offre quelque chose qui n’a pas d’équivalant dans la justice étatique : la possibilité d’exécuter plus aisément (selon une procédure simplifiée) une sentence arbitrale un peu partout dans le monde. Ceci est un gage de confiance pour le commerce international.
A quel type d’énergies s’applique le TCE ?
Le TCE est neutre en matière d’énergie. Il s’applique à toutes les énergies. Du moment qu’un investissement répond à la définition du traité, l’investisseur est protégé.
Lorsqu’on entend que ce traité a été fait pour les énergies fossiles, c’est un raccourci.
J’en veux pour preuve que la plupart des litiges qui sont nés de violations potentielles du traité concernent les énergies renouvelables, et non pas les énergies fossiles.
Tu as un exemple concret dans lequel le TCE protège l’investisseur en énergie renouvelable ?
Oui, en Espagne. La règlementation est venue réformer les prix garantis de rachat des énergies renouvelables. Cette réforme a perturbé les modèles économiques des investisseurs et engendré une dizaine d’arbitrages contre l’Espagne.
En s’appuyant sur le TCE, les énergéticiens étrangers ont considéré que la nouvelle règlementation contrevenait à l’obligation de l’Etat de les traiter de façon juste et équitable. En baissant les prix de rachat, ils ont estimé que le gouvernement revenait sur l’environnement juridique existant au moment de l’investissement et qui avait fondé leur décision d’investir.
Certains considèrent même que les changements de prix sont tellement drastiques qu’ils équivalent presque à une expropriation déguisée car ils ne gagnent plus d’argent.
Je n’ai pas entendu beaucoup d’activistes s’exprimer avec autant de véhémence contre le Traité lorsqu’il y a eu des recours d’énergéticiens contre l’Espagne en matière d’énergie renouvelable. C’est un peu du deux poids deux mesures.
La France vient d’ailleurs de recevoir elle aussi une notification de litige à la suite de ses modifications des prix de rachat.
Est-ce que ce mécanisme pourrait s’appliquer aux fermetures anticipées des centrales nucléaires allemandes ?
C’est déjà tranché pour l’Allemagne. L’entreprise Vattenfall a attaqué l’Allemagne sur le fondement du TCE et réclamait huit milliards d’euros.
Une transaction entre l’énergéticien suédois et l’Allemagne a eu lieu en cours d’arbitrage pour mettre fin à la procédure et l’Allemagne a annoncé verser plus d’un milliard d’euros à Vattenfall.
Certains expliquent que si l’Allemagne garde certaines centrales nucléaires, c’est peut-être grâce au TCE.
Parlons de la France : est-ce que le TCE nous empêche par exemple de fermer nos dernières centrales à charbon utilisées en cas de pic de consommation ?
Tout dépend de qui a investi dans ces centrales à charbon en France. Si c’est un énergéticien Français, alors on est dans un cadre purement national, et il n’est pas protégé par le TCE.
Il faut un investisseur étranger qui vienne d’un pays membre du TCE et qui fasse son investissement dans un autre pays membre du TCE.
Alors le TCE n’empêche aucunement la France de fermer la centrale, mais lui impose de le faire de manière juste, non-discriminatoire et en accordant une juste compensation.
La liste des investissements en lien avec les énergies fossiles en France, protégés par le TCE, n’est pas forcément aussi longue qu’on pourrait le penser.
Le TCE est-il antidémocratique comme on le lit parfois ?
Si le simple fait que c’est un traité le rend antidémocratique, alors tous les traités, et en particulier ceux qui portent sur l’Union Européenne (sauf celui de Maastricht qui a donné lieu à référendum) sont des traités antidémocratiques.
Il faut savoir que c’est la représentation nationale Française qui ratifie le traité. C’est donc le même processus que pour une loi.
Si on considère qu’une loi qui passe par l’Assemblée Nationale et le Sénat est démocratique, alors le TCE est tout aussi démocratique que les lois qu’on adopte tous les jours.
Quelle est l’importance réelle de ce traité ?
Il me semble que l’on donne une importance bien trop significative à ce traité.
Les Etats ont toute la latitude d’investir, de ne pas investir ou d’exproprier, y compris dans le cadre du traité.
C’est faux de dire que le TCE empêche un Etat d’arrêter les énergies fossiles. C’est juste une histoire d’argent.
Prenons l’exemple des Allemands avec le nucléaire : quand ils ont décidé d’en sortir, ils savaient qu’ils auraient des litiges et qu’ils auraient à sortir le chéquier.
S’il y a une volonté politique forte, ce n’est surement pas le TCE qui empêche la volonté politique de s’exprimer. Alors oui, ça coûte de l’argent et ça serait mieux que cela ne coûte rien.
Mais si on appliquait le « quoi qu’il en coûte » du Président Macron à l’enjeu climatique, le TCE serait un non-sujet.
Il y a un vrai sujet avec le TCE en ce qu’il peut être un frein au respect des Accords de Paris. Je suis pro-réforme, mais ce n’est pas une raison pour accorder à ce traité une importance démesurée et considérer que c’est lui qui nous empêchera de réaliser la transition énergétique.
D’ailleurs, même sans TCE, un investisseur n’est-il pas protégé en cas de décision unilatérale d’un Etat ?
En France, ça serait le cas. Un énergéticien pourrait par exemple, même sans TCE, saisir les juridictions administratives françaises pour faire annuler le décret ou l’arrêté pris à l’encontre de ses investissements. Il peut a minima réclamer une indemnisation.
C’est valable pour la France et pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Cela dit, je ne sais pas si c’est forcément le cas dans tous les pays membres du TCE.
A l’intérieur de l’Union Européenne, le cadre commun offre des garanties et les juridictions étatiques au sein de l’Union Européenne pourront traiter ces contentieux.
Sommes-nous vraiment sortis du TCE ?
Nous ne sommes pas encore sortis du TCE. Pour sortir, il y a un mécanisme à respecter. Il faut envoyer une notification au dépositaire du traité.
Tant que cette notification n’est pas envoyée, on reste dans l’annonce politique et le traité reste en vigueur.
Avons-nous un risque que la sortie ne survienne pas ?
D’abord, c’est une annonce politique qui a été faite. Ce ne serait pas une première qu’une annonce politique ne soit pas suivie d’effet concret.
L’annonce du Président Macron n’est donc pas une garantie en soi, en particulier si on se fonde sur l’expérience passée.
Prenons l’exemple de la Convention citoyenne pour le climat avec l’annonce de l’application sans filtre des propositions. Au final, il me semble que cela ne s’est pas tout à fait passé comme cela…
Ensuite annoncer seulement la sortie laisse une certaine souplesse sur la façon d’en sortir.
Quelles sont ces différentes façons d’en sortir ?
Sans avoir besoin d’être technique :
Soit la France se retire seule, ce qu’on pourrait appeler une « sortie sèche ».
Soit, elle décide de négocier une sortie avec d’autres (le maximum possible), dans des conditions qu’il reste à déterminer et à fixer.
Cette annonce est-elle une excellente nouvelle ?
Non ! Clairement non.
Si on se dit que la décision reflète une prise de conscience, alors oui, pourquoi pas.
Si on regarde dans les faits ce que ça va changer et si ça va nous aider à tenir nos engagements climatiques, alors la réponse est clairement non.
Je suis un peu désabusé de voir un certain nombre de posts d’activistes crier victoire alors que j’ai plutôt tendance à plus y voir une tartufferie qu’autre chose.
J’espère me tromper, il faut rester humble, mais quand je regarde de près, je ne vois pas ce que ça va changer. On peut même se demander si cette sortie n’est pas contre-productive.
Pourquoi ?
Parce qu’il y a une clause de survie dans le TCE qui prévoit que si un État se retire, les investissements existants restent protégés 20 ans après sa sortie effective. La sortie effective intervient 1 an après la notification de retrait.
Donc cela veut dire que tous les investissements faits en France dans les énergies fossiles vont rester protégés pendant encore au moins 21 ans.
Or compte tenu de l’urgence de la situation, on n’a pas le temps d’attendre 21 ans. On n’a donc aucune raison de se réjouir de cette annonce.
Cette annonce s’appuie sur un avis du Haut Conseil pour le Climat (HCC). Cet avis a été présenté comme favorable à la sortie. Qu’en est-il ?
A mon humble avis, ce n’est pas aussi clair que ça. Comme souvent, ce n’est pas tout blanc ou tout noir.
Si on reprend l’avis du HCC, il prônait un retrait coordonné « couplé à une neutralisation de protection des investissements couverts par le TCE, dite "clause de survie" ».
On voit bien que ce n’est pas la « sortie sèche » que prônait le Haut Conseil pour le Climat. Donc si l’annonce du Président Macron se traduit par une « sortie sèche » de la France, ce n’est pas une application de l’avis du HCC.
Comment peuvent se faire les négociations de cette fameuse clause de survie ? Est-ce entre Etats ? Ou entre Etats et énergéticiens ?
Tout est possible.
Le TCE est comme un contrat entre Etats. Du moment qu’on a une rencontre de volontés, on peut le modifier. Donc, rien n’empêche les différents Etats membres du TCE de se mette autour de la table et de faire sauter la clause de survie.
Deuxième point, et pour répondre à la question, on peut imaginer un Etat qui recense les investissements étrangers protégés par le TCE sur son sol et aille négocier en direct l’abandon de cette clause de survie. C’est imaginable. Il n’y a pas d’obstacle juridique.
Dans les faits, toutefois, je vois mal un énergéticien renoncer à ses protections. Il faudrait soit de l’argent, soit une pression très forte. En réalité, la question, ce n’est pas oui ou non, c’est combien.
Même si c’est possible juridiquement, il parait plus envisageable et plus efficace que la discussion se situe au niveau des Etats pour qu’ils décident collectivement de supprimer la clause de survie.
Quel est le scénario de sortie le plus probable selon toi ?
La situation telle qu’elle est aujourd’hui me fait envisager une sortie sèche de la France. Je regarde ce que ça va changer pour la France.
Côté énergies fossiles, pour la France, aucun changement pour les 21 prochaines années avec les investissements déjà réalisés.
Côté énergies renouvelables ou nucléaire, la clause s’applique de la même manière pour le passé.
En revanche, pour le futur, et même si c’est débattu, si on considère que le TCE motive les investissements, alors on peut avoir des investisseurs étrangers qui vont privilégier des pays qui restent dans le TCE.
On peut donc même avoir un effet pervers potentiel puisque le TCE pourrait rester utile pour d’autres énergies que les énergies fossiles.
Qu’est-ce que tu préconises ?
L’idée à laquelle je serais très favorable, c’est que les Etats membres du TCE se mettent autour d’une table pour négocier pour que la clause de survie soit supprimée purement et simplement mais il faut l’accord de tous les Etats et cette approche prend du temps.
En parallèle, on peut aussi négocier de façon bilatérale entre Etats. Il faut donc regarder Etat par Etat les niveaux d’investissements étrangers dans les énergies fossiles et négocier au cas par cas.
En tout état de cause, le plus rapide est d’indemniser les investisseurs dans les énergies fossiles pour stopper l’exploitation de ces ressources.
La sortie « sèche » menace-t-elle les négociations bilatérales ?
Je ne sais pas si des négociations bilatérales sont en cours.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a des négociations multilatérales actuellement en cours et qui impliquent tous les états membres du TCE. C’est ainsi qu’un projet de réforme du Traité doit être soumis au vote au mois de novembre. Dans ce projet, les investissements passés dans les sources d’énergie fossiles ne devraient être protégés que pendant 10 ans, au lieu de 20 actuellement.
Est-ce que je considère que 10 ans c’est bien ? Non, ce n’est pas bien, cela ne va pas assez loin.
En revanche, c’est mieux qu’une sortie sèche de la France qui entraîne une activation de la clause de survie pour 21 ans. Donc j’espère que l’éventuelle sortie sèche, si elle se confirme, ne menacera pas l’adoption de cette réforme ou mieux encore, qu’elle motive l’adoption d’une réforme plus ambitieuse.
Cette réforme risque-t-elle de tomber à l’eau ?
Il y a plusieurs pays européens qui viennent d’annoncer leur sortie alors qu’ils avaient négocié cette réforme.
On peut donc légitimement se poser la question de ce qui va se passer au mois de novembre.
Sais-tu quel est le rapport de force entre Etats. Certains doivent avoir plus à gagner qu’à perdre ?
Si on se concentre sur les énergies fossiles, à part l’Allemagne avec son charbon, la plupart des Etats de l’Union européenne ne disposent plus d’énergies fossiles conventionnelles sur leur territoire.
Donc, dans l’Union Européenne, il n’y a pas tant d’investissements liés à l’extraction de ressources fossiles que ça concernés par le TCE. Si j’ai bien suivi les cours de Jean Marc Jancovici, il me semble qu’il n’y a plus trop d’énergies fossiles conventionnelles dans l’Union Européenne.
Ce que je dis ici est valable pour l’extraction. On a aussi sous protection du TCE les centrales ; les raffineries ou les infrastructures de transport d’énergie par exemple.
Mais ce que je veux dire, c’est que la majorité des investissements fossiles passés auxquels il convient de mettre un terme en priorité, soient ceux relatifs à l’extraction, se situe probablement à l’extérieur de l’Union Européenne et sont en réalité réalisés par des entités privées qui viennent de l’Union Européenne.
Si ce postulat de base est correct, cela ne coûte pas grand-chose aux Etats de l’Union Européenne de se retirer.
En outre, à l’intérieur de l’Union Européenne, un avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) tend déjà à neutraliser l’usage du TCE entre Etats membres.
Donc on dit qu’à l’échelle d’un pays comme la France, la portée de la sortie est faible ?
Eu égard aux énergies fossiles, elle est juste symbolique.
Soyons clairs.
Si on regarde l’avenir, l’Etat Français reste seul décisionnaire pour savoir s’il souhaite accueillir un investissement étranger fossile sur son sol. Donc pour l’avenir, la sortie ou non du TCE n’a aucun impact.
Pour le passé, je peux me tromper, mais je n’ai pas l’impression que les investissements passés d’investisseurs étrangers provenant d’Etat membres du TCE pour exploiter des énergies fossiles soient très importants.
Donc si on regarde le futur et le passé, qu’est-ce que ça change ?
Allons même plus loin et regardons les investissements des entreprises françaises à l’étranger. Il faut regarder dans les deux sens.
Que veux-tu dire par là ?
Je suis prêt à parier que si on fait le solde entre investissements énergétiques réalisés à l’étranger et investissements reçus sur son sol, on comprendra alors la position de chaque Etat sur le TCE.
Soyons un instant encore plus cynique : si la France souhaite continuer à offrir une protection des investissements à l’étranger des énergéticiens Français, elle fait une sortie sèche et les investissements sont protégés pour 21 ans.
S’il est confirmé que la France n’a pas voulu toucher à la clause de survie dans le cadre de la négociation de la réforme, ce n’est peut-être pas pour rien.
On ne peut pas exclure qu’avec cette sortie sèche, la France prolonge la protection de ses investisseurs nationaux à l’étranger tout en récoltant un bon point pour son engagement climatique.
Avec une sortie sèche, le Président Macron pourrait réussir le tour de force de satisfaire « en même temps » les énergéticiens Français en maintenant la protection de leurs investissements pendant plus de vingt ans dans des pays membres du TCE (comme le Kazakhstan), et les militants pour le climat.
On peut en tout cas légitimement se poser la question.
Voilà pour cette édition spéciale ! Promis, on revient dimanche prochain avec la version habituelle de la Newsletter.
Bonjour Valérie,
Oui, tu as complètement raison pour la Pologne. Le pays est d'ailleurs, lui aussi, en train d'essayer de sortir du TCE !
Bonjour François, merci pour cette interview! C’est intéressant et instructif d’avoir le point de vue d’un expert sur une annonce du chef d’état. Juste j’ai un doute par rapport à la Pologne :est ce que cet état n’est pas très tributaire des énergies fossiles, même plus que l’Allemagne. J’ai vu un reportage récent sur Arte concernant l’impact de l’extraction de charbon sur la pollution de l’air et donc la santé des petits polonais. Merci d’avance pour ton retour et à très bientôt.
Valérie