Substack, qui héberge cette newsletter, a connu un bug majeur vendredi soir entraînant des doublons d’envois de mails. Si vous avez été concerné, j’en suis vraiment désolé !
❓Le doute
“La croissance verte est un leurre. Le découplage absolu (entre croissance économique et émissions de gaz à effet de serre) n’existe pas”.
J’ai écrit ces mots ici il y a quelques semaines.
Voilà qu’entre temps, deux éléments sont venus questionner cette “certitude”.
1. Les scénarios de l’ADEME :
Le 22 mars, l’ADEME a précisé ses 4 scénarios de neutralité carbone pour la France de 2050 avec une nouvelle information déroutante : les 4 scénarios (y compris le plus sobre appelé “génération frugale”) vont générer de la croissance économique.
Fichtre. Première surprise.
2. LE GIEC :
Cette semaine est sorti le 3ème volet du 6ème rapport du GIEC. J’ai été un peu frustré par les différentes synthèses consultées. Comme l’impression que tout était déjà sous nos yeux depuis longtemps et que ce rapport issu d’un travail gigantesque et indispensable ne serait pas le “game changer” tant espéré.
Les solutions existent mais nous choisissons de ne pas les mettre en œuvre. Le texte du chercheur François Gemenne met des mots parfaits sur ce ressenti.
Alors j’ai décidé d’aller plus en détail et de remonter à la source pour y glaner quelques découvertes.
Et bim, une deuxième surprise. J’ai eu la désagréable impression d’y trouver des éléments jamais cités dans les synthèses.
Les différents scénarios (du SSP1 au SSP5) portent en eux une hypothèse de croissance du PIB (GDP en anglais dans le graph ci-dessous).
Même le scénario de baisse très radicale des émissions (SSP1) qui permet de rester sous le +1,5 degrés d’ici la fin du siècle s’accompagne d’un PIB en croissance.
C’était déjà ainsi dans les précédents rapports, je ne le savais pas.
Mais alors, pourquoi lit-on très souvent et de façon très affirmative que seule la décroissance peut permettre de baisser nos émissions de gaz à effet de serre ?
Le mot “degrowth” n’est cité que 5 fois dans les 2913 pages du rapport (hors références bibliographiques). Il est cité 0 fois dans le résumé pour décideurs.
Fichtre, soit je n’y comprends plus rien, soit cela signifierait que le découplage est possible ?
Car de fait, les scénarios présentés dans les travaux du GIEC sont précisément des scénarios de découplage absolu vu qu’ils associent croissance économique et baisse des émissions.
D’ailleurs, il y a plusieurs paragraphes dans le rapport du GIEC qui abordent frontalement la question du découplage absolu :
Par honnêteté intellectuelle, il me parait important de partager ces doutes. On ne peut pas citer l’ADEME et le GIEC toutes les semaines et taire leurs travaux dès lors qu’ils n’entrent pas dans notre schéma de pensée.
NB : Timothée Parrique, économiste spécialiste de la décroissance, a publié deux longs articles très intéressants sur le sujet. Il nuance, complète, voire conteste certains passages du rapport du GIEC. Vous pouvez les retrouver ici et ici.
NB : Jean Marc Jancovici a publié un post Linkedin expliquant que ce 3ème volet est à prendre avec des pincettes. JMJ fait du JMJ : les économistes sont nuls en mettant la croissance du PIB en hypothèse d’entrée (et non de sortie) dans les modèles présentés par le GIEC.
A minima, il semble que la question de la “croissance verte” et du “découplage PIB / émissions de CO2” ne soit pas si évidemment tranchée qu’il n’y parait.
Bref, c’est reparti pour une phase d’intenses questionnements et de nouvelles lectures pour essayer d’y voir plus clair.
Si vous avez des éléments de réflexion, je suis preneur 🙏🏼!
🎉 Le vrac des Good News
Merci Guy ! Guy a gagné 200 millions à l’Euromillions et a décidé de consacrer la quasi totalité de ce gain à la protection du vivant. Pour ce faire, il vient de créer la fondation Anyama.
Celle-ci, elle fait bien plaisir ! L’autorité européenne des marchés financiers (ESMA) vient de publier des statistiques sur la performance des fonds en 2020. Les fonds qui intègrent des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont été plus performants (financièrement) que les fonds “classiques”.
Voilà de quoi inciter les entreprises à s’engager. C’est dans leur intérêt !Sous pression avec le gaz Russe, l’Allemagne accélère massivement sa transition énergétique. L’Allemagne a annoncé avant hier un nouveau plan d’investissement pour que 80% de l’électricité consommée en 2030 soit issue des énergies renouvelables.
🐔 Le chiffre : vertigineux
C’est le nombre terrifiant de volailles abattues “préventivement” pour lutter contre l’épidémie de grippe aviaire en cours.
Vous avez bien lu le chiffre. 8 millions de volailles.
L’élevage intensif est en cause. Lui même généré par notre consommation frénétique de viande. Toujours les mêmes causes pour les mêmes impacts sur le vivant.
L’abattage est réalisé à la hâte, dans des conditions insoutenables, pour endiguer au plus vite la propagation de l’épidémie. Faute de professionnels en nombre suffisant, on demande parfois aux éleveurs de tuer eux-mêmes leurs animaux sur place.
La Confédération Paysanne précise :
“Après l’autorisation donnée, la semaine dernière en Vendée, Maine-et-Loire et Loire-Atlantique, d’enfouir les animaux morts sur les exploitations ou à proximité, les services de l’État demandent désormais l’arrêt des ventilations pour provoquer la mort des animaux par asphyxie.”
Dans quelques années, l’Histoire risque de nous juger bien sévèrement quant à notre relation au reste du vivant.
📰 Les faiseurs : lol
C’est une question obsédante pour les militants du climat : comment sensibiliser bien au-delà de la petite bulle déjà convaincue ?
Avec ses millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, et ses deux millions de visiteurs uniques par mois sur son site, le média parodique Le Gorafi dispose d’une audience considérable.
Les auteurs en font bon usage en intégrant fréquemment les enjeux écologiques dans leurs publications. De quoi sensibiliser tout en faisant sourire.
Petit aperçu des publications récentes… Commençons par mon préféré :
Celui-ci n’est pas mal non plus :
Et un petit dernier tristement réaliste :
🍽️ Greenwashing : opaque
Ce cas de “greenwashing” en préparation est particulièrement fourbe.
Les industriels de l’agroalimentaire sont en train de demander à l’administration le droit de remplacer l’huile de tournesol par de l’huile de palme sans pour autant changer les étiquettes des produits concernés…
Plusieurs pays européens ont déjà accédé à cette demande.
Mais comment est-ce possible ?
Le Parisien rapporte que 80% de la production mondiale d’huile de tournesol se fait en Russie et en Ukraine. Cette huile est présente dans des milliers de produits transformés.
Heureusement, l’association Foodwatch est vigilante et appelle à la transparence.
“Le besoin de flexibilité pour éviter des ruptures de production est bien compréhensible, et nous comprenons qu’il puisse y avoir des dérogations ponctuelles sur les listes d’ingrédients. Mais il n’empêche en rien les industriels de communiquer clairement sur ces modifications : pas de dérogations sur notre droit à l’information !
Une pétition a été lancée par Foodwatch ici.
💥 La ressource : le choc
Après avoir vu cette série il y a quelques mois, je m’étais promis de ne pas la partager. Elle m’a bouleversée et continue de me bouleverser.
Si les rapports du GIEC parlent à notre cerveau, cette série parle à nos tripes. Face à la mollesse de nos réactions devant l’urgence climatique, j’ai décidé de la relayer.
8 épisodes haletants d’une vingtaine de minutes filmés d’une traite en plan-séquence. Un réalisme à couper le souffle.
Warning : si vous avez envie d’y jeter un œil, soyez avertis que ça secoue. Il y est question d’effondrement…
✏️ Le dessin de presse
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