⏰ “The clock is ticking”
C’est le titre percutant d’une publication de la Banque Centrale Européenne (BCE), pourtant passée relativement inaperçue dans la torpeur du mois d’août.
Il y a un peu moins d’un an, la BCE a demandé aux banques européennes quels étaient leurs plans et leurs actions pour faire face aux risques climatiques. Les résultats sont tombés… et c’est très instructif !
1/ Les risques climatiques et environnementaux sont peu ou pas intégrés dans leur stratégie. Les process de management et d’atténuation de ces risques sont peu ou pas en place. Quant à l’activité traditionnelle de crédit, les risques climatiques ne semblent peu ou pas faire partie des grilles d’évaluation.
2/ Des paroles mais peu d’actes. A quelques exceptions près, trois groupes se dégagent
Les climato-jemenfoutistes : pas de plan ni d’acte. On salue au moins leur cohérence.
Les j’y-vais-mais-j’ai-peur : un début de plan qui intègre timidement le risque climatique mais pas encore de passage à l’acte.
Les bulshiters-décompléxés : des plans verts fluos mais pas le début du commencement d’une petite action.
La publication de la BCE conclut :
“Banks need to speed up their efforts.”
“The clock is ticking”.
♟ Le jeu de la dame
Green, or not green, that is the question. Et bien pour la Commission européenne, la réponse apportée cette semaine, c’est “not green”.
On parle ici du nucléaire, sujet légèrement clivant.
Dans le cadre du plan de relance post-covid, Bruxelles va émettre 250 milliards d’obligations vertes d’ici à 2026. Un instrument au montant colossal et sans précédent mondial pour financer la transition écologique.
Financer la transition écologique, c’est bien beau, mais financer quoi au juste ?
Johannes Hahn, le commissaire au Budget a tranché :
Ce mécanisme “ne pourra en aucune manière financer des investissements dans le nucléaire”, en revanche, il pourra financer “des centrales à gaz sous certaines conditions pour fournir une solution de transition dans la production d’énergie”.
Si la problématique environnementale ne doit pas être réduite à la seule question du carbone et du climat, la prise de position demeure assez déroutante quand on rappelle les quantités de CO2 émises par chaque source d’énergie (par kWh d’électricité produit sur la totalité du cycle de vie - AR5 du GIEC, p1135).
Sobriété = énergie non consommée = 0 g de CO2 :)
L’éolien : 11 g de CO2 par kWh
Le nucléaire : 12 g de CO2 par kWh
L’hydraulique : 24 g de CO2 par kWh
Le solaire : 41-48 g de CO2 par kWh
Les bioénergies (biomasse) : 230 g de CO2 par kWh
Le gaz : 490 g de CO2 par kWh
Le charbon : 820 g de CO2 par kWh
Alors que des négociations serrées se poursuivent en Europe pour statuer sur la taxonomie verte, la Commission a pris tout le monde de vitesse.
Des négociations dans lesquelles les intérêts géopolitiques dépassent largement les considérations scientifiques.
Ce n’est pas un hasard si la France pousse pour l’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte pendant que l’Allemagne se mobilise pour le gaz ou que les pays nordiques cherchent à peser sur la question des forêts et des bioénergies.
La partie d’échec est passionnante. Espérons que ce soit le climat qui en ressorte gagnant.
🎉 Le vrac des Good News
Le vent tourne pour les extensions d’aéroport. Après l’abandon du projet de terminal 4 à Roissy, c’est maintenant Barcelone qui a dû renoncer ce mercredi à son projet d’extension. La mobilisation des citoyens et des associations écologistes face à ce projet qui menaçait des zones humides protégées aura contribué à ce renoncement bienvenu.
A l’occasion du congrès mondial du bio qui se tenait cette semaine à Rennes, de nouveaux chiffres ont été communiqués par la filière. Ils viennent matérialiser l’essor de cette pratique agricole : le marché a doublé en 5 ans, 12% des fermes et 18% de l’emploi agricole sont désormais en bio, soit 9,5% de la surface agricole française.
Inauguration en Islande de la plus grande usine de captation de CO2 au monde. Le CO2 est capté directement dans l’air et renvoyé dans le sous-sol. Une solution qui sera utile mais évidemment pas suffisante pour résoudre le défi climatique. Un 1 an, cette usine (la plus grande du monde en la matière) n’enlèvera de l’atmosphère que 4 000 tonnes de CO2, soit la consommation d’un peu moins de 1 000 voitures. Une micro goutte d’eau mais porteuse d’espoirs.
👮🏿♂️ La main dans le sac
C’est en euros, la pénalité infligée à Total Direct Energie pour avoir pipoté leurs déclarations de certificats d’économie d’énergie (CEE).
Les CEE ont été instaurés en 2006. Ils obligent les fournisseurs d'énergie à financer des actions d'économies d'énergie (rénovation thermique des bâtiments, changement de chaudières…).
Total Direct Energie a pourtant déclaré ses certificats d’économie d’énergie : BIEN
Total Direct Energie n’a pas été capable d’apporter la preuve de l’existence de ces fameux CEE : PAS BIEN
En clair, les montants déclarés par Total Direct Energie pour satisfaire leurs obligations légales étaient fictifs.
On notera au passage le montant ridicule de l’amende qui ne doit même pas représenter le budget café du siège de la Défense.
🌲 Les faiseurs : Luna
Connaissez-vous Julia Hill ?
Décembre 1997, Lost Coast, Californie. Les militants écologistes se mobilisent depuis des mois, sans grand succès, pour défendre des séquoias millénaires contre l’entreprise Pacific Lumber qui veut les abattre.
Au hasard d’un tour du monde, Julia Hill se retrouve plongée au milieu de ce combat. Le 10 décembre 1997 va changer sa vie à jamais.
Pour protéger les arbres, Julia monte au sommet d’un séquoia haut de 55 mètres et y aménage une minuscule plateforme. Elle n’en redescendra que 738 jours plus tard, soit 2 ans et 8 jours plus tard.
2 ans et 8 jours de souffrances face aux conditions climatiques, et aux intimidations de Pacific Lumber : incendies aux alentours, rondes d’hélicoptères, épandage de napalm, rien ne lui sera épargné pour la faire plier.
Mais à l’image de l’arbre, Julia plie mais ne rompt pas et trouve la force de combattre dans ses convictions et la prière.
Une opération de tree-sitting aussi extrême que décisive. Après des mois de négociations, le sequoia (qui porte le nom de Luna) et un périmètre de forêt autour sont définitivement épargnés.
Plus de 20 ans après Luna est vivant. Quant à Julia, elle consacre désormais sa vie à porter des messages de sensibilisation sur les questions environnementales.
Pour en savoir plus, Julia raconte son histoire dans une vidéo de 4 minutes. Elle a aussi écrit un livre : De sève et de sang.
🥕 Le greenwashing : Act for rien du tout
Carrefour s’engage avec son ambitieux programme Act for food. Son site internet précise :
“Changer le système pour que l'alimentation soit à la fois meilleure pour notre santé, meilleure pour nos agriculteurs et meilleure pour notre planète. Et c'est bien sûr faire en sorte que tout cela soit accessible au plus grand nombre”.
La quadrature du cercle : santé améliorée + agriculteurs bien rémunérés + planète préservée + prix maîtrisés.
Parmi les 13 engagements du distributeur, on retrouve l’acte 13 : réduire les emballages et le plastique. Noble cause. Et c’est ainsi que les rayons de vrac ont émergé dans les magasins.
Jusqu’ici, tout va bien, mais c’était sans compter sur des petits malins de la RTBF (découverts sur la page Facebook de M.Mondialisation) qui sont allés fouiller sous les rayons de vrac d’un magasin Carrefour en Belgique…
On y découvre les céréales utilisés pour le vrac dans des sacs plastiques de la même taille que ceux présents en rayon dans les boîtes en carton classique.
En résumé, zéro réduction d’emballage pour le vrac Carrefour de cet exemple. Pire, le petit sachet que le consommateur utilisera pour récupérer ses céréales sous le distributeur viendra s’ajouter à l’emballage initial.
Du bien beau greenwashing !
Le nouveau slogan de l’enseigne “Carrouf à prix de ouf” (ce n’est pas une vanne, c’est vraiment leur slogan officiel de rentrée) devient “Le vrac Carrouf, c’est pas si ouf”.
🧒🏼 La ressource : poésie
Les choses précieuses nous invite à suivre les réflexions d’Archibald. Le petit garçon s’interroge sur ce qui compte vraiment. Sujet vertigineux, qu’on soit enfant ou adulte.
Après avoir constaté que les biens matériels tant convoités finissent souvent délaissés, Archibald prend conscience du bien-être que lui apporte la nature au quotidien.
Une nature qui, sans lui appartenir, devient ce qu’il a de plus précieux.
Une belle histoire pleine de sens et de superbes illustrations. À partir de 3 ans.
✏ Le dessin de presse : bon app
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Impressionnante Julia Hill ! Quelle force !