🧐 Clair et net !
Le rapport tant attendu est sorti : RTE, le gestionnaire de notre réseau électrique a publié en début de semaine ses 6 scénarios énergétiques pour la France de 2050. Un travail colossal et structurant.
Trois grandes clarifications en sont ressorties :
Combien produire ? : quelque soit le scénario retenu, il va falloir être moins gourmand en énergie finale consommée ! On parle quand même de -40% en 30 ans ! Ce scénario de référence compte essentiellement sur l’efficacité énergétique pour y arriver.
Quoi produire ? : aujourd’hui, 25% de l’énergie finale consommée l’est sous forme d’électricité. En 2050, la part de l’électricité s’élèvera à 55%. L’électrification des transports, et dans une moindre mesure de l’industrie entraîne cet accroissement de l’électricité dans le mix énergétique. Rappel : l’électricité n’est pas une “source d’énergie”, mais plutôt un “vecteur d’énergie”.
Produire à partir de quoi ? : pour produire cette électricité, il faudra du nucléaire ET des énergies renouvelables. C’est la fin de la guéguerre stérile entre activistes pro-ENR et pro-NUKE. Le vrai adversaire, ce sont les énergies fossiles dont il faut se désintoxiquer.
RTE nous invite à des décisions immédiates :
“Dans tous les scénarios, les réseaux électriques doivent être rapidement redimensionnés pour rendre possible la transition énergétique”.
La concertation a été large et constructive, le rapport fait la (quasi) unanimité. Il est l’heure de passer aux décisions et à la mise en œuvre.
📉 Unpopular opinion
Si vous n’avez jamais couru 100 mètres et que je vous propose un ultra-trail de 170km, il y a de grandes chances pour que vous renonciez devant l’ampleur du défi… avant même le départ.
Ne sommes-nous pas en train de faire la même chose en parlant systématiquement de l’objectif des 2 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par personne pour 2050 ?
Aujourd’hui, l’empreinte carbone d’un français est d’environ 10 tonnes (voire 9, d’après les chiffres réactualisés cette semaine). Penser la division par 5 est vertigineux.
En réalité, c’est même “techniquement impossible” aujourd’hui quand on sait que chaque Français se voit automatiquement attribuer 1,1 tonnes pour la santé, l’éducation et les services publics.
Le changement sera individuel ET systémique.
Pour respecter l’Accord de Paris et atteindre la neutralité carbone en 2050, la France dispose d’un plan : la Stratégie Nationale Bas Carbone. Elle prévoit une trajectoire de baisse des émissions nationales dans le cadre de ses budgets périodiques.
Que se passe t-il si on applique ce rythme de baisse à l’empreinte individuelle :
En 2025 (= dans 3 ans) : environ 8 tonnes / personne
En 2035 : environ 5,5 tonnes / personne
(NB : j’ai réalisé cette petite règle de 3, je suis évidemment ouvert aux questions sur le calcul et la méthodo).
En continuant l’exercice jusqu’en 2050, on arrive bien au fameux chiffre des 2 tonnes par personne.
On aime à dire dans notre toute petite bulle de personnes déjà convaincues et engagées que chaque tonne compte et qu’il faut viser les 2 tonnes d’émissions immédiatement. Ok.
Cela dit, pour embarquer 68 millions de Français dans cet immense défi, n’est-il pas plus efficace de viser d’abord l’objectif intermédiaire des 8 tonnes en 2025 ?
Qu’en dites-vous? C’est le sondage de la semaine.
Quoi qu’on en pense, la première étape, c’est d’aller calculer en 5 minutes son empreinte carbone ici.
🎉 Le vrac des Good News
Les zones à faibles émissions (ZFE), ça marche ! Nos amis Belges, qui ont lancé le dispositif en 2018 à Bruxelles, tirent un excellent bilan de la mesure. Les pollutions reculent très significativement.
L’Inde a finalement confirmé sa participation à la COP26. Il se dit que le pays qui compte plus d’un milliard d’habitants devrait se présenter à Glasgow avec des ambitions réhaussées en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Les Echos avec ChangeNow ont publié cette semaine le premier classement des écoles de commerce et d’ingénieurs fondé sur leurs engagements dans la transition écologique et solidaire. C’est une première qui illustre un changement des mentalités.
💰 Le chiffre : “le nerf de la guerre”
C’est la part des fonds d’investissement qui NE sont PAS en ligne avec les Accords de Paris .
Sur les 16 500 fonds analysés par l'ONG Carbon Disclosure Project (CDP), seuls 65 ont un portefeuille d’actifs aligné sur la bonne trajectoire.
L’étude publiée cette semaine ne dévoile pas uniquement le niveau d’engagement réel de la finance. Il pointe les engagements réels des entreprises.
Laurent Babikian du CDP rappelle ainsi :
“Les fonds d’investissement sont dépendants de l’économie réelle.”
Cela dit, à eux d’exercer leur pouvoir d’investisseurs pour contraindre les entreprises à se décarboner. Il en va de la pérennité des entreprises, et donc de la pérennité des fonds d’investissement.
Comme le dit David Bower :
“There is no business on a dead planet.”
🎨 Les faiseurs : la flamme de la résistance
L’Art a le pouvoir de nous bousculer, de nous toucher au cœur.
Les artistes peuvent participer à écrire un nouveau récit, à renverser le système de valeurs, bref à créer un nouvel imaginaire collectif.
C’est ce qu’a entrepris l’artiste brésilien Mundano en réalisant une fresque géante à Sao Paulo, à partir des cendres de la forêt amazonienne :
"Les feux de forêt en Amazonie, c'est trop loin, personne ne les voit vraiment. L'idée est d'amener les cendres ici pour susciter de l'empathie."
Davantage de photos disponibles ici.
L’œuvre monumentale (1.000 m2) s’appelle "Le pompier de la forêt". Les variations de gris dépendent de la quantité d’eau utilisée pour mélanger la cendre. Des nuances sont aussi apportées selon les lieux de collecte des cendres.
La fresque dénonce la déforestation qui bat des records au Brésil. Elle rend également hommage aux pompiers aussi “héroïques qu’impuissants” face à l’ampleur du désastre.
Espérons que Jair Bolsonaro aille se balader prochainement du côté de Sao Paulo…
🚛 Greenwashing : jouons !
Saurez-vous retrouver les différences entre ces deux images ?
A gauche, du “100% vert” qui roule au gaz, à droite du “100% vert” qui roule à l’électricité. La petite flamme qui illustre le gaz est remplacée par une prise dans l’image de droite.
Dans le 2 cas, Chronopost ne s’embarrasse pas des détails sur l’impact environnemental du camion : c’est tout pareil, “100% vert”, on vous dit.
En cas de doute, la couleur du camion est là pour nous le rappeler.
Wait ! Le gaz, ça ne serait pas une des trois énergies fossiles qu’on essaie par tous les moyens de supprimer ? Oui, mais il est écrit 100% gaz “naturel” !
Tout comme le bon et le mauvais chasseur, y aurait-il le bon gaz (naturel) et le mauvais gaz (pas naturel) ?
Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS, auteur principal du 6ème rapport du GIEC est plutôt très clair sur le sujet :

Cet adjectif “naturel” est trompeur. Le “gaz naturel” l’est autant que le “pétrole naturel” ou le “charbon naturel”.
La réalité, c’est qu’il est surtout “fossile” et qu’il émet du CO2 lors de sa combustion.
Plutôt qu’une livraison faussement “100% verte”, le consommateur préfèrerait une communication “100% transparente”.
🐺 La ressource : vivant parmi les vivants
En cette période de COP26, le climat se place au centre des préoccupations !
Une bonne occasion de lire (ou de relire) Baptiste Morizot pour élargir le spectre et interroger notre rapport au vivant.
Dans les pas de Philippe Descola, “Raviver les braises du vivant” conteste le concept même de “nature” et réinvente une “diplomatie” entre les vivants par l’intermédiaire notamment du “ré-ensauvagement” et des “égards ajustés”.
Dans un numéro précédent de Pas de Côté, nous avions relayé une conférence passionnante de Catherine Larrère qui expliquait :
“Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend”.
Avec Baptiste Morizot, nous poursuivons l’exploration avec désormais ce mantra :
“Nous sommes le vivant qui se défend”
Raviver les braises du vivant est clairement mon livre coup de cœur de cette année.
✏ Le dessin de presse : COP ou pas COP
Magnifique Coco qui illustre en un dessin les enjeux de la COP26 et les postures de ses principaux protagonistes. Brillant !
Pour comprendre la posture de chacun, Libé a associé au dessin quelques explications très instructives.
Résultat du sondage de la semaine dernière :
La question était brutale : sommes-nous collectivement en train de renoncer à limiter le réchauffement climatique ?
Vos réponses le sont tout autant…
Oui à 60%, on fait l'inverse de ce qu'il faudrait !
C’est plus compliqué que ça pour 35%.
…et pour 5%, c’est faux, des milliers d’initiatives existent et apporteront une solution.
Donnons de l’écho aux sujets environnementaux. Partageons !
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