☄️ Aux frontières de l’inconnu
C’est le gros titre de la presse spécialisée cette semaine. Une cinquième “frontière” planétaire (sur les 9 identifiées) a été dépassée .
Que veut dire concrètement “franchir une frontière” ?
Les frontières planétaires sont présentées comme des plafonds à ne pas franchir pour s’éviter de gros ennuis. Gros ennuis est évidemment un euphémisme car on parle en réalité du maintien de conditions viables sur terre pour les humains.
Quelle est cette fameuse cinquième frontière franchie ?
Il s’agit des pollutions chimiques : on retrouve notamment dans cette sinistre catégorie le plastique, les pesticides, les produits pharmaceutiques, les produits chimiques industriels…
Novethic relaie deux chiffres frappants issus de l’étude :
"La production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950. Elle devrait encore tripler d’ici 2050."
Précision indispensable : si cette frontière n’avait pas été franchie jusqu’alors, c’est uniquement parce que les scientifiques n’avaient pas encore réussi à quantifier ces pollutions chimiques.
La représentation du donut de Kate Raworth illustre ces dépassements. Il faudrait rester dans la zone verte ( = la zone “sûre”) pour chaque thème. Nous dépassons cet “zone sûre” pour 5 frontières planétaires.
Quelles sont les 4 autres frontières déjà franchies ?
L’annonce de cette 5ème frontière franchie m’a fait prendre conscience que je ne connaissais pas les 4 premières !
Il s’agit du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité, de la perturbation des cycles biogéniques (azote et phosphore) et du changement d’affectation des sols.
Frontière ou limite planétaire ? Quelle différence ?
Exploser 5 “limites” et constater que la planète reste encore habitable interroge. On pourrait même cyniquement se demander si c’est vraiment si important alors que nous continuons factuellement à être de plus en plus nombreux.
C’est pour cela que la distinction limite/frontière est importante. Le chercheur Grégory Derville précise la différence :
=> “les limites sont infranchissables pour des raisons physiques (la vitesse de la lumière, le zéro absolu...).
=> les frontières, en revanche, peuvent être dépassées... mais aux risques et péril des imprudents, car ils entrent alors dans une zone inconnue”.
Franchir les frontières les unes après les autres nous emmène dans cette zone inconnue. Cette zone dans laquelle la biosphère ne peut plus absorber les dérèglements que nous lui faisons subir et qui met en péril la vie humaine sur Terre.
Hasard du calendrier, nous avons consacré la semaine dernière un numéro spécial de Pas de Côté en collaboration avec Les Colibris Français sur le thème du plastique ! Il redevient tristement d’actualité après cette annonce. Si vous l’avez manqué, c’est ici.
🟢 Respirons
L’actu précédente étant particulièrement alarmante, nous épargnerons aux lecteurs de Pas de Côté les autres sujets négatifs de la semaine.
Nous ne parlerons donc pas :
De l’année 2021 qui prend officiellement place dans le TOP 5 des années les plus chaudes. Ce n’est pas une anomalie isolée mais un phénomène de fond. Les 7 dernières années sont les 7 années les plus chaudes depuis que les mesures existent.
De l’Argentine qui plie sous l’ampleur de la vague de chaleur en cours. Electricité coupée pour des centaines de milliers de personnes, production agricole décimée, la canicule record à 41° fait des dégâts.
Oups… trop tard.
Promis, à partir de maintenant, la suite n’est que positive, inspirante, joyeuse, cœur avec les mains.
🎉 Le vrac des Good News
Le Président équatorien a décidé de doubler la zone maritime protégée des Galapagos. À terme, des eaux du Panama et de la Colombie vont s’y ajouter constituant un espace de 500 000km², à l’abri de la pêche industrielle. Cette grande réserve protégée abritera 40% des espèces marines du monde !
C’est parti pour la RE 2020 depuis le 1er janvier 2022. Derrière ce nom barbare se cachent des règles de décarbonation pour les nouvelles constructions à usage d’habitation. L’attention est portée sur les matériaux de construction et les consommations énergétiques, le tout mesuré avec des méthodes pertinentes comme l’Analyse du Cycle de Vie (ACV).
Un grand récif coralien en forme de rose vient d’être découvert à Tahiti. À la surprise des scientifiques, ce récif est en excellente santé. C’est sublime.
📈 Le chiffre : exponentiel
Un nouveau cap franchi pour la Fresque du Climat. Voilà une croissance exponentielle qui fait plaisir.
300 000 personnes ont désormais été sensibilisées aux enjeux climatiques grâce au formidable outil qu’est la Fresque du Climat. C’est énorme et “en même temps” très peu rapporté à la seule population française.
Keep Going ! L’objectif pour fin 2022 : 1 million !
Si vous avez envie de la déployer dans votre entreprise, il vous suffit de me contacter en répondant à cet e-mail et nous en discuterons avec grand plaisir !
🚴🏼 Les faiseurs : ça bouge
À l’honneur cette semaine, Loïc Cedelle, expert mobilité, qui a écrit un post particulièrement inspirant sur Linkedin. Loïc nous démontre par son expérience personnelle qu’on peut se déplacer pour voyager et travailler tout en respectant la trajectoire bas carbone souhaitable.
Ce sujet n’est pas anecdotique, la “brique déplacement” est la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre en moyenne par Français.
NB : Attention avec la notion de moyenne qui gomme les disparités. J’aime beaucoup cette illustration du “biais moyenne” : “quand Bill Gates entre dans un bar, en moyenne, tous les clients du bar sont millionnaires”.
Revenons-en à Loïc qui a autorisé son smartphone et Google à le pister pendant un an. Résultat : des données très fiables de l’ensemble de ses déplacements qu’il a pu analyser en profondeur.
Pendant un an, Loïc Cedelle a parcouru 29 000 kilomètres. Il s’est déplacé pour son travail et ses loisirs. Pas vraiment une année d’ermite ou d’Amish.
Il a émis pour l’ensemble de ses déplacement 0,5 tonnes de CO2, soit 5 fois moins que la moyenne des Français.
Son secret : zéro avion et quasi pas de voiture. Ses déplacements de courte distance se sont faits à vélo ou à pied et les plus longs trajets en train.
Loïc a ensuite simulé ce qu’aurait été son année de mobilité sans se préoccuper des enjeux climatiques. Ses trajets longs (plus de 4h en train) aurait été réalisés en avion, et ses trajets “moyens” en voiture.
Voici 3 conclusions extrêmement intéressantes :
Il aurait émis 4 tonnes de CO2 (contre 0,5 tonnes en se souciant du climat), c’est à dire 8 fois plus.
Il aurait dépensé 1500 euros de plus.
Enfin, il aurait passé le même temps dans les transports. La perte de temps des transports longs (en ne prenant pas l’avion) est compensée par les gains du quotidien (le vélo est plus rapide que la voiture en milieu urbain).
Cette démonstration est fabuleuse car elle prouve qu’il est possible de se déplacer en conjuguant faible empreinte carbone, faible coût et rapidité. Merci Loïc Cedelle.
💰 Greenwashing : vert pâle
La finance verte n’a souvent de verte que le nom. L’actualité de ce mois de janvier nous en donne une nouvelle illustration.
Les obligations vertes, appelées aussi green bonds, sont un des instruments phares de la finance verte. Un acteur économique emprunte de l’argent sur les marchés pour financer des projets de transition écologique.
Encore faut-il bien définir ce qu’on appelle un "projet de transition écologique”. Manifestement, la définition est plutôt arrangeante...
Reclaim France, l’ONG de référence sur l’écosystème financier, nous apprend que l’aéroport de Hong Kong est en train d’émettre 4 milliards de dollars d’obligations “vertes” pour financer son extension.
Selon Reclaim, l’aéroport actuel émet en gaz à effet de serre l’équivalent de trois centrales à charbon. Le projet d’extension, que l’obligation “verte” finance en partie, va doubler la taille de l’aéroport.
Venons en au nœud du problème. Comment un projet climaticide peut recevoir la qualification “verte” ? Le livre (technique mais instructif) d’Alain Grandjean et Julien Lefournier, L’illusion de la Finance Verte, nous donne la réponse :
“Les Green Bonds Principles ne sont que des lignes directrices d’application volontaires”.
”Les obligations vertes sont donc “auto-déclarées” comme telles par les émetteurs eux-mêmes”.
”Il n’y a ni règlementation, ni même de régulation concernant cette appellation”.
L’exemple caricatural de l’aéroport de Hong Kong donne raison aux auteurs lorsqu’ils concluent de manière lapidaire :
“L’obligation verte est donc une obligation classique plus une promesse verte”.
🪱 La ressource : vivant
Pour les urbains (j’en suis), les concepts de sols vivants et riches restent assez théoriques. Ce sera un peu moins le cas après avoir regardé cette courte vidéo.
4 mois d’activité du sol sont accélérés en 20 secondes.
À gauche : un sol pauvre, à droite un sol “riche”.
Grâce au vivant en action, le sol est littéralement en train de se nourrir sous nos yeux en “absorbant” différents éléments organiques. C’est absolument fascinant.
Le sol de droite enrichi et aéré sera plus fertile, captera davantage de carbone, conservera mieux l’eau, sera plus résilient.
Cette vidéo de Michal Slota a été dénichée par l’entreprise à mission TerraTerre.