🛢 #LaissonsLesSousTerre
En pleine lecture du dernier livre de Matthieu Auzanneau et Hortense Chauvin, Pétrole, le déclin est proche, une petite musique dangereuse s’est insidieusement insérée dans ma tête.
La petite musique me dit en substance : vivement le déclin des réserves, au moins on sera forcé de s’en passer et nos sujets climatiques ne s’en porteront que mieux.
Oui mais non.
La réponse cinglante à cette petite musique est venue d’une étude publiée dans Nature la semaine dernière. Pour espérer limiter le réchauffement à +1,5° d’ici la fin du siècle, il faut que nous laissions sous terre 60% des réserves de pétrole et de gaz et 90% des réserves de charbon.
Le salut ne viendra pas du manque de stock, mais d’un choix. Voilà qui est très clair.
Sauf qu’on n’en prend pas du tout le chemin. 3 exemples puissants au cours des dernières semaines :
L’Europe et son gaz. La semaine dernière, les travaux du gazoduc Nordstream2, long de 1 230 kilomètres se sont achevés. Il va doubler les importations européennes de gaz en provenance de la Russie.
La Chine et son charbon. Début août, la Chine a annoncé la réouverture de 15 centrales à charbon. Une semaine avant, 38 mines étaient réouvertes en Mongolie intérieure pour faire face à la demande.
Les Etats-Unis et leur pétrole. La semaine dernière, l’administration Biden autorisait de nouveaux forages dans le Golfe du Mexique.
Ce lundi, 2000 scientifiques ont réclamé un traité de non-prolifération des énergies fossiles, s’inspirant de ce qui a été fait pour les armes nucléaires. Ce doit être LE sujet de la COP26 de Glasgow en novembre.
Laissons-les sous terre.
🌸 “Non contraignant”
Assez parlé énergie/climat. Comme le dit Aurélien Barrau :
“Avec un bulldozer qui fonctionne à l’énergie solaire, on peut raser la forêt amazonienne. On n’aura pas émis de CO2, mais on aura détruit la forêt. Il faut comprendre que la vie vaut pour elle-même”.
Le congrès mondial de la Nature se tenait la semaine dernière à Marseille. Un seul chiffre pour situer l’enjeu : 68% des populations d’animaux vertébrés sauvages ont disparu en 50 ans.
Très gros casting : ONU, politiques, ONG, grandes entreprises… et même Harrisson Ford…
Les sujets de fonds ont été abordés et des résolutions ambitieuses votées ! Même France Nature Environnement, qui est une ONG exigeante sur ces sujets, reconnaît les avancées des trois motions suivantes :
Réduire l’impact de l’industrie minière sur la biodiversité
Lutter contre la déforestation importée (cf le chiffre de la semaine)
Planification des espaces maritimes et conservation de la biodiversité
Chaque motion est composée de mesures plus précises (fiscalité incitative, recyclage, zones protégées, restauration de forêts…).
Oui mais non (bis).
Allons jeter un œil à la liste des “sponsors” de l’évènement. Roulement de tambour : le sponsor principal de l’évènement est… Nutella ! Vous avez bien lu. Nutella, utilisateur massif d’huile de palme en sponsor principal d’un congrès pour protéger la nature. Plus c’est gros, plus ça passe.
Tout est là : le support publicitaire, moteur des désirs consuméristes, celui qui finance le système (et en particulier les énergies fossiles), l’affréteur de cargos qui rend possible les flux mondiaux, et évidemment Nutella !
Je propose que le prochain congrès soit organisé un mercredi soir, sous la forme d’un dîner.
Enfin, et c’est évidemment le pire : les motions ont vocation à inspirer les décisions publiques et “ne présentent pas de caractère contraignant”… Tout est dit.
🎉 Le vrac des Good News
Les pandas géants ne sont plus menacés d’extinction en Chine. Les mesures entreprises pour restaurer leurs habitats naturels ont été efficaces. Une news qui apporte de l’espoir : en matière de biodiversité, presque rien n’est rédhibitoire. Il “suffit” de la laisser en paix pour que se ravivent les braises du vivant (Baptiste Morizot, mon livre coup de cœur de cette année).
Le gouvernement double l’enveloppe prévue dans le plan de relance pour la rénovation thermique des bâtiments. Le dispositif “MaPrimRenov'“ a rencontré un franc succès avec déjà plus de 500 000 dossiers déposés en 2021. C’est donc 2 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés à cette priorité pour la sobriété énergétique en 2022.
🎖 Le chiffre : des héros
Le chiffre est glaçant. Ils sont 227 à avoir perdu la vie pour protéger la vie.
227 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en 2020. C’est le terrible décompte de l’ONG Global Witness publié cette semaine.
La lutte contre la déforestation est de loin le combat le plus meurtrier (70% des assassinats). Il tue principalement en Amérique latine.
La déforestation, même à l’autre bout du monde, c’est aussi notre responsabilité. On utilise même le terme de “déforestation importée”. Nos achats ici font aussi des ravages là-bas, par exemple la viande (par l’alimentation au soja) ou l’huile de palme (coucou Nutella).
Nous savions que la préservation des forêts était vital pour le climat et la biodiversité. Le chiffre de Global Witness nous montre que le caractère vital concerne avant tout les communautés autochtones qui luttent en première ligne.
📱 Les faiseurs : guérilla
On ne présente plus Yuka. L’application a conquis le cœur et le smartphone de 16 millions de français. 5 millions de produits sont scannés chaque jour.
Un rempart aussi simple d’usage qu’efficace contre la malbouffe.
Sauf que le rempart est aujourd’hui menacé par des industriels qui livrent une véritable guérilla judiciaire pour bâillonner Yuka.
Cette semaine, la justice vient de condamner Yuka pour “actes de dénigrement” et "pratiques trompeuses". Cette condamnation fait suite à l’action du fabricant de charcuterie ABC Industrie.
ABC Industrie fait partie de la Fédération des Industriels Charcutiers Traiteurs (FICT) qui a déjà fait condamner Yuka en mai 2021. Un acharnement qui vise à affaiblir et à faire taire.
Qu’est-il reproché à Yuka ?
De considérer l’additif E250 (nitrite) comme étant à “risque élevé” en pointant son caractère “cancérogène”. La justice semble considérer que la base factuelle pour affirmer cela n’est pas assez solide.
A la suite de cette décision, Yuka précise :
“Nous tenons à rappeler que l’OMS a classé la charcuterie comme cancérigène certain (catégorie 1) et les nitrites/nitrates ingérés comme cancérigènes probables (catégorie 2A)”.
Au delà des aspects purement juridiques plus longuement détaillés dans cet article de Franceinfo, la bataille se joue sur le plan de la santé publique.
Depuis 2019, Yuka, Foodwatch et La ligue contre le cancer alertent sur les dangers de ces additifs. La pétition est toujours en ligne ici, et a été signée par plus de 350 000 personnes.
Une mobilisation qui semble donc fortement déplaire aux professionnels de la saucisse.
🍊 Greenwashing : on vous voit
Vous avez aimé le “Act for Food” de Carrefour et son vrai/faux vrac la semaine dernière?
Vous allez adorer les mondes parallèles de Leclerc et de ses marques. Le distributeur “engagé” (comme il se qualifie lui même) a l’ambition de “devenir leader du développement durable”.
1/ Le monde du service communication :
Engagement 12 : réduire l’impact plastique.
Un engagement qui se décline en trois actions :
2/ Le monde parallèle de la réalité terrain :
La nature avait pourtant bien fait le travail en fournissant un emballage naturel à la mandarine. Et bien non, il a fallu l’enlever et le remplacer par une infâme boîte en plastique.
Est-ce un cas isolé ? Non, il y en a un plein rayon.
On pourrait en rester là, mais Barbara Pompili a cru bon de surfer sur ce flagrant délit de greenwashing révélé par Hugo Clément.


100% d’accord avec la ministre : l’Etat ne peut pas tout réguler, “chacun doit être responsable”.
Mais… la loi annoncée dans son tweet exclura les fruits et légumes épluchés… Bref, la mandarine épluchée et emballée dans du plastique ne sera pas interdite.
Une sorte d’Inception du greenwashing. Du très haut niveau.
⛰ La ressource : ému
La température monte, les glaciers fondent. Nous commençons à intégrer froidement et rationnellement cette réalité.
Les images comme celle-ci apportent autre chose. Elles font appel à nos émotions, à notre ressenti face à ce qui se déroule sous nos yeux.
Cela tombe bien, il parait que c’est justement cette partie de cerveau intuitive et émotionnelle qui conduit au passage à l’action !
🙄 Le dessin de presse
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