⏱ Repousser pour mieux repousser (bis)
Employer dans la même phrase le mot “urgence” et “y aller tranquille”, c’est une sorte de masterclass du “en même temps” donnée par Barbara Pompili, notre ministre de la transition écologique.
Le bateau coule mais pas de panique : “allons-y tranquille”, continuons à jouer de la musique sur le pont et à boire des cocktails, ça va bien se passer.
Et là, je vous entends d’ici vous dire : “Non mais il en rajoute, c’est sorti de son contexte, elle n’a pas vraiment dit ça…”. Et bien écoutez :)
Quel est le sujet ? L’installation de NOUVELLES chaudières au fioul et au charbon devait être interdite au 1er janvier 2022. Barbara Pompili annonce le décalage de la mesure à mi 2022. Toute coïncidence avec une éventuelle date d’élection présidentielle serait purement fortuite…
Résultat très concret : en 2022, nous continuerons donc à installer de nouvelles chaudières au fioul.
En termes d’émissions de CO2e, une chaudière au fioul, c’est :
60% de plus qu’une chaudière au gaz
2 fois plus que des radiateurs électriques
10 fois plus qu’une chaudière à granulés de bois
Pour situer l’enjeu : le logement, c’est un quart de nos émissions de CO2e. C’est le deuxième poste après les transports. Et à l’intérieur de ce poste “logement”, l’énergie utilisée pour se chauffer compte environ pour moitié.
Même les moins matheux d’entre nous sauront que la moitié d’un quart, c’est très significatif dans le combat mené.
Bref, on y va tranquille.
🏭 L’aubaine
L’idée du marché du carbone était belle : donner un prix à cette externalité et la transformer en euros pour la faire peser financièrement dans les résultats des entreprises.
Un alignement des intérêts : baisser les émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise devenait bon pour la planète et ses résultats financiers.
Oui mais voilà, le diable se cache dans les détails. C’était sans compter sur les quotas gratuits distribués aux entreprises “carbo-intensives” (pétroliers, cimentiers…). Ces quotas devaient diminuer au fil des années pour accompagner progressivement les réductions d’émissions.
L’organisation Carbone Market Watch publie les résultats d’une enquête portant sur la période 2008-2019 :
Le mécanisme a permis aux entreprises concernées de réaliser 50 milliards de bénéfices sur la période, notamment en revendant leurs quotas gratuits surdimensionnés (les Echos expliquent bien les 3 biais en cause)
Et pendant ce temps, leurs émissions de CO2 n’ont pas baissé…
La Commission européenne a bien compris l’ampleur du problème et a décidé de s’y attaquer.
Espérons que la commission n’adopte pas la méthode “urgence tranquille” de notre ministre de la transition écologique.
🐠 Covoiturage aquatique
On aime les mobilités partagées. On aime moins lorsque ce sont 17 millions de saumons qui se font un road trip sur les routes californiennes.
C’est l’actu WTF de la semaine.
L’Express nous apprend que 17 millions de saumons vont voyager dans des camions citernes en Californie. Les effets du changement climatique (sécheresse, et augmentation de la température de l’eau) mettent en danger les saumons pendant leur migration.
Jason Julienne, responsable des installations piscicoles en Californie explique :
“Convoyer en camions les jeunes saumons vers des sites de remise à l'eau situés en aval s'est avéré l'une des meilleures façons d'augmenter leur survie pendant les périodes sèches”.
Voilà, la boucle est bouclée : les énergies fossiles causent les dérèglements, alors on utilise encore plus d’énergie fossile pour s’adapter aux effets du dérèglement.
Qu’en pensez-vous ? Approche pragmatique et efficace ou non sens écologique? C’est le sondage de la semaine.
🎉 Le vrac des Good News
Abandon “définitif” du projet d'oléoduc Keystone XL entre les Etats-Unis et le Canada. Joe Biden s’y était opposé.
Recul de 5% la production de plastique dans le monde en 2020. Hélas la baisse provient davantage du ralentissement économique lié au Covid que d’un changement structurel de nos pratiques.
💰 Le chiffre : back to 2008 ?
2007-2008 : le monde découvre que les banques mondiales détiennent des centaines de milliards d’actifs pourris. Le château de cartes vacille et c’est la crise des subprimes qui s’enclenche.
2021 : l’Institut Rousseau (dans lequel œuvre Gaël Giraud), les Amis de la Terre et Reclaim Finance dévoilent dans un rapport l’exposition des banques européennes aux énergies fossiles.
On y apprend qu’elles détiennent 532 milliards d’actifs liés aux énergies fossiles, ce qui représente 95% de leurs fonds propres.
Dit autrement, si la transition énergétique est rapide (ce qui est souhaitable pour le climat), alors les actifs perdront leur valeur et deviendront des “actifs échoués”. En clair, les banques feront faillites dans le sillage des majors fossiles.
On comprend mieux pourquoi les banques continuent de financer les énergies fossiles : elles sont pieds et poings liés.
C’est en substance le message que nous avait déjà fait passer Maud Caillaud, fondatrice de la néobanque verte GreenGot dans notre podcast.
Le rapport choc de la semaine ne se contente pas de sonner l’alerte, il propose une solution. La création d’une « banque fossile européenne », financée par la Banque Centrale Européenne (BCE) qui pourrait racheter ces actifs (avec une décote).
👩🌾 Les faiseurs : à la ferme
Partons à la rencontre de Perrine et Charles Hervé-Gruyer, les inventeurs de la ferme biologique du Bec Hellouin.
Cette ferme est un modèle de permaculture. Elle a fait l’objet d’une étude de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) qui a démontré sa viabilité économique.
Des méthodes inspirées du passé, associées aux nouvelles connaissances scientifiques et qui deviennent hyper-productives, tout en respectant l’environnement.
Un avant-goût de symbiose (cf la ressource à la fin).
⚽ Greenwashing : contre son camp
C’est parti pour 1 mois de foot avec l’Euro 2020/21.
L’occasion parfaite d’illustrer à nouveau le non sens de la “neutralité carbone” à l’échelle d’une entreprise ou d’un évènement.
Cet Euro 2020/21 a la particularité de ne pas avoir 1 pays organisateur mais 11 ! Très belle idée sur le plan symbolique (pour fêter les 60 ans de la construction européenne), mais qu’en est-il sur le plan environnemental ? FranceInfo a mené l’enquête.
11 pays organisateurs signifie la multiplication des déplacements aériens pour les équipes et les supporters
Mais, en se servant du stade principal de chaque pays, ce format de compétition a évité la construction de nombreux nouveaux stades. Le poste d’émissions le plus significatif de ce type d’évènements.
Résultat, cet Euro devrait rester dans la moyenne des compétitions précédentes avec un bilan carbone très très élevé.
C’est là que l’UEFA sort la machine à greenwashing en vantant quelques mesures gadgets (cf son tweet ci-dessus), et une action de plantation d’arbres pour déclarer la “neutralité carbone” de l’évènement.
Laisser penser que l’Euro n’a pas d’impact sur le climat (c’est ce que sous-entend le terme “neutralité carbone”) est un mensonge.
Pour tout savoir sur les limites de la compensation carbone, c’est ici, ou ici, ou ici.
📚 Ressource : pour la plage
Ce livre fait du bien. Ce livre ne dresse pas un énième constat sur notre situation, il propose une SOLUTION.
Isabelle Delannoy décrit les contours d’une économie qui réconcilie l’environnement, l’économie et la société. En plus des principes théoriques, nous découvrons au fil des pages des exemples concrets qui montrent que cela fonctionne (à petite échelle pour le moment).
Lorsque les 6 principes de fonctionnement de l’économie symbiotique sont réunis, l’activité ne produit plus d’externalités négatives, mais positives...
Alors évidemment, on n’y est pas. Mais ce type de récit utopiste (au sens positif du terme) et positif nourrit nos imaginaires et libère le champ des possibles.
A bouquiner sur la plage cet été.
Résultat du sondage de la semaine dernière :
Vous êtes 90% à être favorable à l’action radicale de Greenpeace qui met à l’eau d’immense blocs de granit pour empêcher la pêche au chalut !
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