🍴 Miam
Le mot “énergie” est désormais sur toutes les lèvres.
On commence à percevoir collectivement son rôle crucial dans nos modes de vie. La crise énergétique que nous traversons aura au moins cette vertu.
Il y a quelques semaines, nous avions évoqué ici un lien énergie / alimentation par l’intermédiaire des engrais azotés. L’augmentation du prix du gaz menace le contenu de nos assiettes.
Le média indépendant Splann publie une grande enquête passionnante sur un autre lien énergie / alimentation : la méthanisation.
La méthanisation, c’est quoi ?
C’est un procédé qui permet de transformer de la matière organique en biogaz (= de l’énergie) et en digestat (= un fertilisant).
Le gaz ainsi obtenu n’est pas d’origine fossile. Il est même “renouvelable”. Great.
Alors quel est le problème ?
L’enquête en pointe plusieurs, mais concentrons-nous sur l’enjeu énergétique.
En théorie, et selon la loi, les méthaniseurs doivent transformer uniquement des effluents agricoles et des déchets.
En réalité, l’augmentation du prix de l’énergie incite à méthaniser des cultures destinées à l’alimentation !
Splann détaille les tours de passe-passe utilisés par la profession pour contourner la loi.
Charlotte Quenard, chargée de mission à la chambre régionale d’Agriculture de Bretagne confie au média d’investigation :
« L’énergie paie mieux que les produits agricoles. Le problème de base, c’est ça. On gagne plus d’argent à produire de l’énergie que de l’alimentation. »
On fait donc face à un potentiel conflit d’usage des sols.
La drogue énergétique est tellement enivrante, qu’on préfère utiliser les champs pour en fabriquer plutôt que pour se nourrir.
On récapitule. Le prix de l’énergie augmente, donc :
Les rendements agricoles sont menacés car produire des engrais devient trop cher (cf la newsletter d’il y a 3 semaines)
Les surfaces agricoles sont menacées car on gagne plus à produire de l’énergie que de l’alimentation (cf l’enquête de Splann)
Une situation qui me fait inévitablement penser à ce proverbe amérindien très connu :
“Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l'argent ne se mange pas.”
🎉 Le vrac des Good News
On va bien sûr parler plan de sobriété annoncé cette semaine même si le sujet a déjà été largement traité dans l’actualité.
Je prends le parti pris de le positionner dans la rubrique GoodNews… C’est évidemment discutable : on peut faire plus, mieux, plus vite, plus contraignant, plus ciblé…
Soyons aussi lucides sur le fait que ce plan n’existerait pas sans risque de pénurie. L’enjeu climatique n’est pas le déclencheur de ce plan.
Cela dit, ce plan me parait avoir plusieurs mérites :
il met le thème de la sobriété au centre du débat public
il présente des mesures concrètes et chiffrées
le chiffrage des mesures permet d’ailleurs de faire de la pédagogie sur les ordres de grandeur
il invite chacun à prendre sa part. Les mesures s’adressent aux entreprises, aux ménages et à l’Etat
il porte une réelle ambition : baisser la conso énergétique de la France de 10% en 2 ans. C’est pas rien
Enfin, il est accompagné d’une promesse de transparence avec la publication hebdomadaire de la consommation énergétique du pays.
Le site TrackMyWatt vient de se lancer pour suivre uniquement la consommation électrique.
Pour approfondir les ordres de grandeur, Libération a publié une superbe infographie à partir des travaux de Negawatt. Ces travaux ont d’ailleurs contribué au plan annoncé par le gouvernement.
Voici un extrait pour le secteur “résidentiel”. L’infographie complète propose aussi des mesures pour le tertiaire et les transports.
📈 Le chiffre : effrayant
C’est le nombre de morts liés à la canicule cet été en France.
11 000 décès. Rendons-nous compte. 11 000 personnes dans une indifférence collective absolue.
Valérie Masson-Delmotte, climatologue et membre de GIEC a employé un terme si juste à leur égard : “les invisibles”.
Les conséquences du réchauffement climatique, c’est ici et maintenant. Pas en 2100.
⛷️ Les faiseurs : Tout schuss
Entre la vie et le ski, ils ont choisi.
Ils, ce sont les citoyens qui se mobilisent pour lutter contre un projet de retenue collinaire à la Clusaz. L’idée de la retenue est simple : stocker l’eau pour alimenter les canons à neige en hiver.
La construction de cette immense bassine aura des conséquences néfastes sur la biodiversité.
Le projet s’inscrit complètement à contre-courant de l’histoire.
Le temps n’est plus aux projets démesurés pour maintenir quelques années de plus “le tout ski” déjà condamné par le réchauffement.
Le temps est à la transition pour accompagner progressivement l’économie locale et les emplois vers d’autres perspectives.
Sans plan de transition sur la durée, la fin inéluctable du “tout ski“ n’en sera que plus brutale socialement et économiquement.
L’opposition au projet de retenue d’eau prend une nouvelle dimension avec l’installation d’une ZAD sur le site. Les militants ont installé des campements dans les arbres pour empêcher les travaux.
Ils l’ont appelé la CluZAD.
On devrait les soutenir, rien que pour la qualité du jeu de mot.
🚗 Greenwashing : quelle audace
Comme le disait Steve Jobs : “Ceci est une Révolution”.
Comment avez-vous pu passer à côté de cette invention révolutionnaire : la voiture 100% électrique qui n’a pas besoin d’être rechargée !
Voici le slogan de cette nouvelle voiture signée Nissan : “Le nouveau Nissan Qashqai e-POWER, la première voiture qui offre le plaisir de l’électrique sans recharge !”
Sauf qu’il y a un léger détail. Ecoutez le verbatim exact de la publicité :
“Une conduite 100% électrique et sans recharge car la batterie est alimentée par le moteur essence”.
Des génies ! Le moteur thermique à l’énergie fossile alimente la batterie pour permettre une conduite électrique.
Sauf que la réalité des chiffres ne laisse pas place aux doutes : avec 122gCO2 / km et une consommation d’un peu moins de 6 l / 100 km, elle n’a rien d’une voiture électrique. Ces chiffres ne permettent même pas d’obtenir un bonus écologique.
Cette techno n’est qu’un artifice marketing. D’ailleurs, c’est l’Automobile Magazine qui en parle le mieux en conclusion de son test du véhicule :
“Une électrique qui émet quand même du CO2...et qui consomme du carburant.”
💎 La ressource : collector
Le talentueux Bertrand Usclat s’attaque au prix de l’énergie dans un épisode de Broute collector. Comme d’habitude, c’est drôle, juste et piquant.
Cet épisode consacré à l’énergie date d’octobre 2021. Il n’a pas pris une ride, bien au contraire.
Dans la quasi totalité des épisodes, Bertrand Usclat fait référence aux limites planétaires. Par son humour engagé, il participe activement à la prise de conscience et au changement de récit en cours.
Une petite merveille !